Ma prise de parole lors de la cérémonie à Mont-Saint-Père
« Le vrai danger, mon fils, se nomme indifférence. Mon père ne m’avait jamais enseigné tant de choses en si peu de mots » écrit Elie Wiesel dans « Le testament d’un poète juif assassiné ».
Ce sont à ces mots que je pense aujourd’hui devant vous alors que nous commémorons la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat Français et d’hommage « aux Justes de France ».
Oui, le vrai danger est bien l’indifférence. C’est bien elle qui a conduit des peuples à seconder, consentir, à ne pas empêcher l’abominable.
L’indifférence par idéologie, colère ou lâcheté engendre finalement l’acceptation de l’inimaginable.
N’oublions pas que la Rafle du Vel d’Hiv n’est pas la première. Dès juin 1940, les autorités allemandes et françaises organisent l’identification et l’exclusion des Juifs.
Le maréchal Pétain devance même les exigences de l’occupant nazi et promulgue le 3 octobre 1940 le « Statut des Juifs ». Il s’en suit une cascade de mesures de plus en plus aggravantes qui faciliteront la traque et la persécution des juifs.
Les premières rafles parisiennes ont lieu au cours de l’année 1941. Elles conduisent à l’arrestation de près de 8 200 hommes et là encore ne provoquent que peu de réactions des Parisiens.
Mais le 16 et 17 juillet 1942, la rafle du Vel d’Hiv mise en œuvre par la police française constitue la plus importante arrestation de Juifs à Paris sous l’Occupation. Pendant deux jours, l’Etat français autorise et participe à l’arrestation de familles entières, hommes, femmes et, pour la première fois, à la demande expresse du chef du gouvernement français, Pierre Laval, des enfants.
En moins de 48 heures, 13.152 Juifs, de plus de deux ans, apatrides, allemands, autrichiens, polonais, russes et tchèques sont arrêtés par des policiers parisiens dont plus 4 000 mineurs de moins de 16 ans.
Les adultes et les adolescents sont amenés à Drancy tandis que les familles sont internées au Vélodrome d’Hiver, enceinte sportive située dans le 15e arrondissement, et qui a donné nom à cette rafle déshonorante pour la France et les Français.
Et je pense aussi aux nombreux Tziganes, victimes du racisme du régime de Vichy qui furent arrêtés, internés et, pour certains, déportés.
Avec cette opération, le régime de Vichy trahit tous ces enfants, femmes, hommes venus de l’Est, qui ont cru en la France, pays des Droits de l’Homme, pour assurer leur protection et qui pensaient y trouver refuge.
Il trahit aussi les valeurs de la France qui, en 1791, est le premier pays d’Europe à reconnaître les Juifs comme des citoyens à part entière.
79 ans après, la rafle du Vel d’Hiv’ constitue toujours une blessure déshonorante dans l’histoire de notre pays et dans notre mémoire nationale : Elle est devenue le symbole des atrocités commises envers les Juifs de France durant la Seconde Guerre Mondiale avec la complicité du gouvernement de Vichy.
Dans ces heures sombres, obscures, noires de l’histoire de France, pourtant, des hommes et des femmes, anonymes, silencieux, lumineux d’humanité ont refusé l’indifférence et ont tendu la main pour aider, cacher et sauver des enfants, des femmes, des hommes, des familles entières, au péril de leur vie et de celles de leurs proches.
On les appelle les « Justes de France », du nom que l’État d’Israël a voulu leur donner dès 1953 pour les honorer : « les Justes parmi les nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs ».
Il s’agit actuellement de la plus haute distinction honorifique délivrée par l’État d’Israël à des civils.
Les Justes de France appartiennent à cette « armée des ombres » qui a rendu l’honneur au pays des droits de l’Homme que le président Jacques Chirac a mis à l’honneur en 1995 :
« Ces “Justes parmi les nations” qui, au plus noir de la tourmente, en sauvant au péril de leur vie, comme l’écrit Serge Klarsfeld, les trois quarts de la communauté juive résidant en France, ont donné vie à ce qu’elle a de meilleur. Les valeurs humanistes, les valeurs de liberté, de justice, de tolérance qui fondent l’identité française nous obligent pour l’avenir », ou encore comme l’exprimait avec force Simone Veil, le 18 janvier 2007, lors de la cérémonie d’hommage aux Justes de France : « Les Justes de France pensaient avoir simplement traversé l’Histoire. En réalité, ils l’ont écrite ».
Cette journée qui leur est aussi dédiée célèbre donc l’espérance, la fraternité et la dignité humaine.
Le 18 janvier 2007 dans la crypte du Panthéon, une plaque leur rendant hommage est apposée :
« Sous la chape de haine et de nuit tombée dans les années d’occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s’éteindre. Nommés « Justes parmi les Nations » ou restés anonymes, des femmes et des hommes, de toutes origines et de toutes conditions, ont sauvé des Juifs des persécutions antisémites et des camps d’extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l’honneur de la France, les valeurs de justice, de tolérance et d’humanité. »
Aujourd’hui encore c’est la Nation toute entière qui s’incline devant le martyre des uns et admire l’héroïsme des autres.
Les Justes de la nation française démontrent que l’humanité est toujours possible même dans les moments les plus extrêmes. Leur héroïsme nous révèle que pour éviter l’abominable, seules la fraternité et la solidarité restent les chemins à emprunter pour vaincre les fléaux auxquels nous sommes confrontés.
« Il se faut entraider c’est la loi de nature » nous invitait déjà Jean de La Fontaine dans l’Âne et le Chien.
L’ampleur de la crise sanitaire nous le rappelle avec ténacité. La prise de conscience de l’interdépendance non seulement des femmes et des hommes à travers le monde mais aussi l’interdépendance des conséquences qu’elle provoque nous oblige collectivement à une solidarité agissante.
Ne regardons pas la covid-19 avec indifférence. Ses ravages en seraient d’autant plus dramatiques. Aujourd’hui, le vaccin est le seul rempart à la Covid. Il doit être accepté et universel… Vaccinons-nous par fraternité mais aussi pour retrouver notre liberté.
Ne regardons jamais avec indifférence le monde qui nous entoure mais au contraire prenons toute notre part au destin du Sud de l’Aisne. C’est pourquoi le taux d’abstention relevé aux dernières élections doit collectivement nous interroger.
Si la France, par son silence, a sonné la déroute du Rassemblement national, elle a aussi réveillé la fébrilité de notre démocratie. L’abstention a remplacé le vote contestataire mais le mal reste le même et le Rassemblement National en embuscade …
La haine, le repli sur soi n’ont jamais fait naître de grandes réalisations au contraire de la solidarité et la justice. « Or qu’est-ce que la justice si ce n’est l’égalité de chances données, au départ, à tous les hommes quelles que soient leur race ou leur condition, si ce n’est, avec le travail, la répartition équitable du revenu national entre les citoyens, du revenu mondial entre les nations, si ce n’est, enfin, la répartition équitable du savoir entre tous les hommes et toutes les nations (…) » affirmait Senghor.
C’est pourquoi seule une politique de proximité et des actions fortes de solidarité doivent au sein des communes et du département nous animer pour gagner tous ensemble face à l’illettrisme, l’illectronisme, les fractures numériques, le chômage…
Mon engagement est pour ma part total pour contribuer avec eux à la réussite du Sud de l’Aisne par le développement culturel, économique et touristique autour du château François 1er, future Cité internationale de la Langue française et de la Route des écrivains.
A 10 mois de la fin de mon mandat et de ma carrière politique, je ne lâcherai rien ! N’en déplaisent à certains et certaines ! et je ne resterai pas indifférents à des projets qui me sembleraient contraires à l’intérêt général.
Les résultats ne se mesurent pas à l’instantané du beau mais dans la durée et dans un projet global avec un cap politique à atteindre afin que chacun d’entre nous puisse être maître de son destin.
Alors, en cette journée de mémoire aux victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat Français et d’hommage aux « Justes de France », faisons nôtre cette citation forte du général La Fayette : « Pour que vive la liberté, il faudra toujours que des Hommes se lèvent et secouent l’indifférence ou la résignation ».
Je vous remercie.