Assemblée générale nationale de la FNDIRP : mon allocution

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Madame la vice-présidente,

Madame la secrétaire générale,

Madame la déléguée générale,

Mesdames et messieurs les membres du bureau de la Fédération Nationale des Déportés Internés Résistants et Patriotes,

Mesdames, messieurs les membres des délégations départementales,

Monsieur le maire,

Madame la vice-présidente du conseil départemental,

Mesdames, messieurs, chers amis, 

Sachez que le parlementaire que je suis mesure l’honneur que vous me faites de pouvoir m’exprimer lors de votre assemblée générale nationale, pour la première fois réunie ici, à Château-Thierry. 

C’est avec un profond respect pour la fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP) et de ce qu’elle représente que j’interviens devant vous. 

Mon intervention sera marquée par le sceau du respect que nous devons à votre fédération, née en 1945 sous les décombres encore fumants de la Seconde Guerre Mondiale, et surtout, portée par les millions de drames, de nos parents, frères et sœurs, victimes de la barbarie nazie.

Et je ne peux pas commencer mon propos sans rendre hommage à celles et ceux qui ont marqué ma vie et ce territoire en portant le devoir de mémoire, en rappelant ce que furent les exactions qui ont été vécues par les résistants déportés, du fait de la folie et de l’idéologie nazies et du nationalisme. 

Je veux commencer par toi, chère Marie-Ange, toi la professeure d’histoire militante, qui, avec ta collègue Catherine Digard, avez porté, comme cela a été dit, le Concours National de la Résistance au rang d’institution pour les établissements scolaires et les élèves du sud de l’Aisne. 

Tu as le devoir de mémoire et d’action chevillé au corps. Oui, grâce à toi et à Nelly Dequaie-Estruch, les actions pédagogiques pour sensibiliser et ne pas oublier ne manquent pas : films, voyages, trains de la mémoire, etc…

Tu portes avec Nelly à bout de bras aussi la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, le 16 juillet 1942, avec le rassemblement de Fossoy mis en œuvre par Dominique Jourdain, alors maire de Château-Thierry, et Marcel Mercier, maire de Fossoy. Tous les ans, grâce à vous, cette cérémonie est la seule de l’Aisne.

Merci pour tout cela, et je n’oublierai jamais François-Xavier Estruch. Alors que j’étais jeune maire de Brasles, avec sa gentillesse, son esprit de tolérance, nous avons mis en place un grand nombre d’actions en direction des jeunes. Je veux également rendre hommage à ses condisciples, en les nommant par leur nom, M. Rudloff, M. Bayard, M. Coeuret et je n’oublie pas M. David, braslois, interné parce que communiste. Inlassables, ils allaient de collèges en lycées. Merci à eux. 

Au-delà de cet hommage que je souhaitais rendre, je veux signaler aussi que votre AG se tient alors que la guerre est de nouveau aux portes de l’Europe. Oui, l’heure est grave, alors que nous pensions que la paix était immuable. Le dictateur Poutine veut faire entrer le monde dans une nouvelle spirale infernale, et imposer sa volonté d’hégémonie, de nationalisme et d’une idéologie inacceptable.

Je mesure donc la portée de votre congrès national qui prend une dimension toute particulière, ici à Château-Thierry, puisqu’il se déroule sans doute à un moment charnière de notre histoire. 

Et c’est donc avec humilité et un sens aigu des responsabilités en tant qu’élu de la nation que je m’adresse à vous, aujourd’hui. 

J’ai une pensée particulière pour toutes les victimes qui ont subi ou subissent des actes abominables perpétrés en Ukraine, pour tous ces réfugiés qui ont fui leur pays et pour tous les valeureux résistants ukrainiens qui se battent avec courage et abnégation. Eux nous rappellent les valeurs de la Résistance. Bravo à ce peuple valeureux qui se bat pour son pays, pour la liberté. Mais, n’oublions pas que les Ukrainiens se battent aussi pour notre liberté. 

La guerre qui fait rage en Ukraine nous replonge dans les heures les plus sombres de notre histoire. 

 Nous n’en mesurons pas encore très bien les dangers et les conséquences sur nos vies. Des conséquences certes économiques, sociales, mais au-delà des aspects de coûts de l’énergie, ces conséquences sont d’abord humanitaires. Et le pire n’est pas exclu, alors soyons solidaires avec l’Ukraine. 

Mais au moins, que votre congrès nous permette de prendre conscience que le pire des dangers serait l’indifférence. Notre reconnaissance s’impose. 

L’indifférence, et à la FNDIRP vous le savez, c’est le fléau qui a conduit des peuples à seconder, consentir, à ne pas empêcher l’abominable lors de la Seconde Guerre Mondiale.

C’est pourquoi votre congrès ne doit pas se contenter du devoir de mémoire mais doit tracer de nouvelles perspectives « pour faire vivre ces valeurs si fortes à la FNDIRP, incarnées par votre mot d’ordre : contre le racisme, pour l’égalité et la solidarité. »

Et c’est bien de cela qu’il s’agit. Le respect et l’humilité s’imposent devant le courage des déportés et internés résistants et patriotes, d’hier mais aussi d’aujourd’hui.  

Mais le devoir de mémoire n’a de sens que s’il secoue l’indifférence ou la résignation et nous invite à l’unité contre le risque des extrêmes. Et, à Château-Thierry, ville natale de Jean de La Fontaine, nous n’oublions pas, comme nous le disait le fabuliste dans sa fable Le Vieillard et ses Enfants, que « toute puissance est faible à moins que d’être unie. » 

Le devoir de mémoire n’a de sens que s’il nous permet de prendre conscience de nos responsabilités individuelles et collectives pour lutter contre toute forme de ressentiment ou de cupidité. 

La haine n’a jamais fait avancer le monde. Les ambitions et intérêts personnels n’ont jamais permis de travailler pour l’intérêt général.  C’est vrai en Europe, C’est vrai en France. C’est aussi vrai dans le Sud de l’Aisne, à Château-Thierry.

Il est certainement plus facile de haïr que de chercher le consensus. Il est plus facile de faire la guerre que de construire un monde de paix. 

Pourtant, il nous appartient à tous de promouvoir la paix et la fraternité dans les esprits et les cœurs. Et ça commence dans nos vies individuelles et nos lieux de vie.

Après 40 ans de vie politique, je peux vous assurer qu’il est plus valorisant de travailler pour l’intérêt général que pour des ambitions personnelles.

Vous le savez, j’ai décidé de ne pas me représenter aux prochaines élections législatives alors que beaucoup ici et au plus haut niveau de l’État le souhaitaient. 

Je les remercie de leur confiance et je dois bien avouer que j’ai longtemps hésité mais un élu doit tenir ses engagements. Et je m’étais engagé à ne pas me représenter. Bien que le président de la République m’ait demandé de me représenter, je tiens mes promesses. 

Mes envies personnelles ne sont rien par rapport à l’ambition que j’ai pour le Sud de l’Aisne, pour ses habitants, avec ses terres chargées d’histoire et imbibées de trop de sang de ses enfants. 

Mais soyez tous certains que si je ne me représente pas, je serai toujours engagé pour la réussite et le rayonnement du territoire que je ne quitterai jamais. Je suis né ici et j’y resterai toujours. 

Si je ne me représente pas, je continuerai à combattre les idées de l’extrême droite. En 40 ans de carrière, je n’ai jamais fait de compromis avec un élu RN et je continuerai à combattre le repli sur soi et la haine. 

J’ai l’intime conviction que l’indifférence, par idéologie, colère ou lâcheté, engendre l’acceptation de l’inimaginable. Et je ne souhaite pas que le Sud de l’Aisne se réveille sous le joug de l’inacceptable. Si je peux comprendre la colère, le sentiment de déclassement, les difficultés de la vie quotidienne, le refus de ce parisianisme de ces élites qui manquent trop souvent de sincérité et d’humilité, il n’y a pas de fatalité à voir notre département, nos circonscriptions peintes en sombre après les prochaines élections législatives. Cela dépend de nous.

Le courage est parfois de renoncer. Et vous avez raison Madame, nous ne réussirons à vaincre la haine, la peur de l’autre et le repli sur soi que par l’égalité et la solidarité. Il nous faut apporter des réponses urgentes à la question du pouvoir d’achat. 

L’égalité impose l’estime de l’autre.

La solidarité repose sur l’égalité des droits humains et l’égalité entre les femmes et les hommes. Et je suis heureux de constater, à cette tribune, la large place faite aux femmes. Les violences faites aux femmes, qu’elles soient physiques ou verbales, se doivent d’être systématiquement dénoncées. 

Mais il s’agit aussi de mener des actions fortes en faveur de l’éducation pour que chacun trouve sa place dans la société et puisse vivre correctement. 

Et permettez-moi de mettre en avant également l’action que la FNDIRP mène à l’international. Le Secrétaire général parlementaire de la Francophonie y est très sensible. 

Contribuer à l’effort de paix, c’est agir pour le développement des pays en voie de développement. On le sait sans développement économique, il n’y a pas de sécurité. Sans sécurité, il n’y a pas de développement. Et votre fédération agit en ce sens depuis plusieurs années ; en témoigne vos campagnes : « l’eau c’est la vie » ou « encore moins pour l’armement, plus pour le développement », même si sur cet aspect, pour la guerre en Ukraine, j’aurais peut-être un point de divergence, il faut des armes pour pouvoir espérer la paix, je veux le souligner, mais aussi le financement de puits, d’un barrage, d’une maternité au Burkina Faso, le financement de prothèses destinées aux enfants victimes angolaises des mines antipersonnel…

Vous avez compris que pour éradiquer les extrémistes violents et les terroristes dans la région du Sahel, il était essentiel d’apporter aux populations des services sociaux de base : des écoles, l’accès aux soins mais aussi un état civil. C’est l’action que nous portons aussi au sein de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.

Parce que le premier droit humain est en effet de pouvoir bénéficier d’une existence juridique. Or, dans le monde, on estime 250 millions d’enfants sans état civil. Or, Il faut bien avoir conscience qu’un enfant sans identité est une proie désignée pour tous les trafics : la prostitution, l’enrôlement forcé des « enfants soldats » et le terrorisme. Sans état civil, pas de planification possible pour organiser un développement qui corresponde à la réalité des territoires et pas de liste électorale fiable. 

Or, le renforcement des démocraties nécessite une architecture solide dont le socle est l’enregistrement de chaque enfant sur un registre d’état civil. Il favorise aussi le respect de chaque individu, assure l’unité des nations.

N’oublions jamais les mots d’Albert Camus : « Le fascisme, c’est le mépris. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme.”

Voilà pourquoi la Francophonie a fait de l’état civil une priorité politique. 

La Francophonie, par ses valeurs de fraternité et son rayonnement international, porte cette ambition essentielle pour les générations actuelles et à venir au service de la paix, de la coopération et de la solidarité.

La Francophonie est certes une langue en partage, Elle est bien plus que ça. En dépassant le cadre étroit des frontières elle rapproche les peuples. Elle est un tremplin vers une humanité solidaire, fraternelle et LIBRE.

Que le devoir de mémoire que nous devons à toutes les victimes des guerres, aux déportés et internés résistants et patriotes, puisse nous rassembler pour tracer ensemble des perspectives de liberté, d’égalité, de fraternité et de solidarité, pour la paix entre tous les peuples.

Et par ce congrès à Château-Thierry, vous nous rappelez, comme le disait Elie Wiesel, « et si leur voix faiblit, nous périrons. » J’espère que votre flamme pour la paix et la fraternité nous permettra de faire reculer le nationalisme.

Vive la FNDIRP,

Vive la paix et la fraternité. 

Je vous remercie.