Lancement des rendez-vous francophones au Palais Bourbon, ma prise de parole

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C’est avec un grand plaisir et une certaine émotion que je vous accueille, une nouvelle fois, à l’Assemblée nationale.  Depuis 2018, avec mon équipe parlementaire, nos avons organisé, chaque année, un événement francophone dans ce haut lieu de la République, soit à la Questure, soit en salle Victor Hugo ou encore Salle Lamartine et ici aujourd’hui Salle Colbert.  Mais nous avons aussi organisé des événements au lycée européen de Villers-Cotterêts, tous les ans, au mois de mars dans le cadre du mois de la Francophonie.  

Et je peux bien aujourd’hui vous faire une confidence : ces initiatives en en ont étonné certains et on me les a même parfois reprochées. Selon certaines personnes, souvent de haut niveau, l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie doit rester une instance de coopérations interparlementaires et le Secrétaire général parlementaire doit uniquement se tourner vers le fonctionnement institutionnel et l’international sans se soucier de la Francophonie sur le territoire français !  Mais je n’ai jamais accepté de me laisser enfermé dans des schémas de pensées institutionnels qui pour moi sont trop étroits et sclérosants.   

Pour moi, l’APF, c’est bien plus que des réunions statutaires ! Elle représente ,comme le revendiquait Léopold Sedar Senghor, la voix des peuples. Il est donc légitime que l’institution soit ouverte, accessible et à l’écoute. J’ai aussi rapidement compris qu’au-delà des instances institutionnelles, la francophonie était d’abord incarnée par des femmes et des hommes qui la font vivre concrètement au quotidien et la font rayonner dans les territoires. 

Vous, qui êtes venus ici, ce matin, à l’Assemblée nationale, vous êtes de ceux-là.  J’ai reconnu, à travers nos échanges, votre militantisme sincère pour la promotion de la langue française et du multilinguisme qui vous anime. J’ai perçu votre engagement bienveillant mais exigeant à l’accomplissement de cette francophonie des peuples que nos institutions n’accompagnent toujours pas suffisamment. 

L’humanité qui vous anime et la fraternité qui nous lie ont été pour moi source d’inspiration et de détermination tout au long de mon mandat. 

Alors, j’ai fait en sorte de vous ouvrir grandes les portes de l’APF. 

J’ai fait en sorte de faire entendre vos voix, de multiplier des plaidoyers interparlementaires sur vos combats tels que la promotion du respect de la diversité linguistique et culturelle, la lutte contre le terrorisme, la faim, les enfants sans identité, les infox ou encore le renforcement des démocraties et l’égalité Femmes/Hommes.

Mais si j’ai tout fait pour être à votre écoute, c’est aussi pour valoriser la francophonie des territoires, bien vivante dans de nombreux pays mais qu’il nous reste à développer en France.  La future cité internationale de la Langue française à Villers-Cotterêts qui sera inaugurée en  octobre 2022 porte en son sein cette ambition. Elle deviendra demain le cœur battant de la Francophonie dans notre pays mais aussi un lieu d’expression du multilinguisme internationale. 

Finalement, l’ambition politique qui m’a animé toutes ces années reposait sur le triptyque suivant :

 1) donner davantage de visibilité à l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, 

2) donner une plus grande influence à nos parlements,

3) donner une place plus grande dans nos institutions à nos sociétés civiles. 

Et s’il reste beaucoup à faire, nous avons réussi à engager l’APF dans une nouvelle dynamique. Je veux rappeler ici quelques exemples emblématiques : 

–       Grâce à des contacts respectueux et équilibrés avec l’OIF, des missions électorales sont maintenant présidées par des parlementaires (ce qui n’était pas arrivé depuis 2005), 

–   Après de nombreuses années de colloques et de rapports, notre plaidoyer pour vaincre le fléau des enfants sans identité, en lien avec l’association Regards de Femmes et l’association du Notariat Francophone, mais aussi la société civile, a abouti à la rédaction d’une loi cadre à disposition de nos parlements. Nous devons aller plus loin. Il est aujourd’hui nécessaire de concentrer notre action sur la mobilisation des financements pour éradiquer ce scandale, 

–     Notre tribune sur le retour du français et du multilinguisme dans les instances européennes a été signée par tous les acteurs de la Francophonie,

–     Notre plaidoyer contre les fausses nouvelles sur les réseaux sociaux notamment lors du paroxysme de la pandémie a permis d’engager des actions avec la jeunesse et l’Union Francophone,

Notre ouverture à la jeunesse avec le programme Jeunes Ambassadeurs Francophones en partenariat avec l’UCESIF a été saluée par le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères mais aussi la Confejes mais qui hélas, n’a pas été soutenue par l’APF, 

–  L’adhésion de nouveaux parlements témoigne de l’intérêt des parlementaires à notre institution ; nous sommes 90 parlements, plus de 1000 parlementaires ;

–       L’avis sur le numérique que remettra l’APF au prochain Sommet de la Francophonie a été coconstruit, pour la première fois, avec l’ensemble des sections, les acteurs de la Francophonie mais aussi des universitaires et des experts issus de la société civile.

Cela ne fait aucun doute : nous avons avancé. Cependant, je n’en éprouve aucune fierté personnelle. L’humilité s’impose, en effet, devant le chemin qu’il nous reste à parcourir. Nous ne sommes à peine qu’au milieu du gué pour contribuer à la modernisation de notre maison commune et apporter un nouveau souffle à nos institutions , pour une francophonie plus rayonnante.

Mais je dois bien vous avouer que j’éprouve une certaine émotion à être parmi vous aujourd’hui. Vous le savez, ne me ne me représentant pas aux élections législatives, je mets un terme à mon parcours politique. 

Je quitte de fait mes fonctions de Secrétaire général parlementaire de la Francophonie. Mais il était important pour moi de vous remercier une fois encore de votre mobilisation et de votre engagement.

 L’AFAL, son président Jacques Godfrain et sa Secrétaire générale, Laure-Françoise Lebeau, m’en donnent l’opportunité avec le lancement des rendez-vous francophones du Palais Bourbon que nous aurions aimé organiser plus tôt mais que la pandémie nous a contraints de repousser. 

Mais finalement, cet événement n’arrive-t-il pas à un moment charnière pour nos destins individuels et l’avenir de la Francophonie ? Le thème choisi « La Francophonie face aux défis du XXIème siècle » ne porte-il les questions essentielles auxquelles nous devons répondre avant le prochain sommet ? 

Je souhaite que nos débats et nos échanges nous permettent de sortir des schémas de pensées convenus et forme le vœu que cet évènement soit le premier d’une longue série de rendez-vous francophones auxquels j’assisterai avec grand plaisir et intérêt. 

Je vous remercie pour ces échanges et pour la qualité des débats. Ils témoignent une nouvelle fois que l’ouverture à la société civile, aux universitaires, aux chercheurs, reste l’axe stratégique politique indispensable pour moderniser notre maison commune.

Cette ouverture représente, en effet, un élément indispensable pour contrebalancer les logiques bureaucratiques et technocratiques  qui nous envahissent. 

Elle nous permet surtout de sortir de nos schémas institutionnels trop étroits.  Si les institutions sont  en effet nécessaires, nous ne répondrons aux défis du XXIème siècle que si nous mettons véritablement en oeuvre l’ambition originelle de la Francophonie, c’est-à-dire créer les conditions nécessaires à l’émergence et au renforcement d’une communauté des peuples, fière de sa culture, fière de ses valeurs. 

Et cela passe nécessairement par la réaffirmation pleine et entière de nos fondamentaux : la langue française et une politique multilatérale. 

C’est par la langue française, et uniquement par elle, que nous réussirons à créer un véritable sentiment d’appartenance à la communauté́ francophone. Et la future cité internationale de la langue française à Villers Cotterêts porte en son sein cette ambition. Rappelons-nous ! Par l’ordonnance de 1539 de François 1er, la langue française a permis l’unité de la Nation française. Elle est aussi devenue, par la suite « cet outil merveilleux » selon Senghor qui a permis non seulement de tisser un lien humaniste à travers la Terre mais aussi d’exalter les droits de l’Homme.  

Encore faut-il mener une politique forte avec des moyens conséquents à la formation du et en français dans le cadre des politiques éducatives des pays mais en n’oubliant jamais que,  ce qui caractérise l’espace francophone,  c’est « l’addition des langues et des cultures » pour citer  le romancier guadeloupéen, Daniel Maximin

Les politiques publiques en matière d’éducation mises en œuvre dans tous les pays de l’espace francophone, devraient davantage prendre en compte la réalité linguistique, culturelle et familiale.

La promotion de la langue française passe par le respect des cultures dans lesquelles elle se déploie. Le français doit devenir, pour celui qui le parle, l’expression possible de sa propre identité́ ou comme le dit si joliment l’écrivaine sénégalaise Fatou DIOME « le français ne se vit pas comme une langue subie mais comme une langue désirée, aimée, savourée ».

C’est pourquoi, réduire la norme du français à sa dimension hexagonale, c’est le rendre totalement inapte à l’expression identitaire de chacun, et le condamner à très court terme à n’être qu’une langue parlée par un petit nombre de locuteurs. 

Le français est par essence pluriel. La culture francophone, qu’elle soit chantée, parlée ou écrite, s’enrichit continuellement d’un phrasé, d’un rythme et de sources d’inspiration diverses et variées de tous les continents. 

Et c’est de cette rencontre entre les cultures différentes, par le biais d’une langue partagée que se dessinera une nouvelle identité originale d’une mondialisation réinventée, où tous les peuples trouveront leur place à  « ce banquet de l’universel » auquel nous invitait Senghor. 

Nous sommes, aujourd’hui, à la croisée d’un chemin dont nous dessinons ensemble les contours à la veille du prochain sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements qui se déroulera en fin d’année à Djerba. Nous devrons y apporter des pistes d’actions politiques pour relever deux enjeux majeurs :  

–       Faire entendre la voix singulière de la Francophonie sur la scène internationale,

–       Créer les conditions nécessaires à l’expression d’une communauté humaine politique, économique et sociale volontariste.

Je reste convaincu que c’est par la mobilisation de la société civile et de la jeunesse que nous répondrons avec enthousiasme aux défis qui sont devant nous. 

Déjà, à Erevan, la jeunesse mais aussi la société civile organisée avaient affirmé leur volonté d’être davantage consultées et écoutées par les institutions.  Tous appelaient à l’adoption d’une nouvelle gouvernance de la Francophonie.

Et je suis persuadé que c’est vous qui êtes un levier puissant de redynamisation de la Francophonie institutionnelle. 

La jeunesse apportera un nouveau souffle, bousculera certainement nos schémas de pensées traditionnels et c’est tant mieux. 

La société civile beaucoup plus agile et innovante doit être accompagnée par les institutions et c’est du rôle des parlementaires de faire entendre « la voix des peuples » en mettant en place les conditions nécessaires à la participation pleine et entière des citoyens. 

Permettez-moi pour conclure de formuler quelques souhaits de promesse d’avenir : 

Je forme le vœu que les institutions modernisent leur fonctionnement et ouvrent grandes les portes à la société civile. Pour ce qui est de l’APF, avec mes collègues anciens SGP Pascal Terrasse et Jacques Legendre, nous proposerons des perspectives d’évolution. 

C’est en effet par l’ouverture aux dimensions politiques, sociales et économiques et bien évidemment environnementales, que se dessinera une nouvelle identité originale de la Francophonie et je souhaite que les parlementaires y prennent toute leur place pour repenser notre action démocratique. Si la fonction délibérative se doit d’être maintenue, la démocratie participative et consultative doit être plus que jamais à l’ordre du jour dans nos Parlements.

Mais l’enjeu va au-delà des institutions qui, vous l’avez compris, doivent prendre une dimension réellement politique pour mieux prendre en compte la vie de nos habitants et peser enfin sur cette mondialisation qui aujourd’hui n’est qu’économique et financière et qui contribue à l’augmentation des inégalités et au pillage de notre planète.

Les parlementaires francophones se doivent de refuser cette réalité et réagir pour construire une alternative à cette globalisation. 

C’est pourquoi, dans le monde d’aujourd’hui, nous n’avons pas le droit de désespérer. L’espoir pour un monde meilleur doit toujours être présent et plus particulièrement dans notre espace francophone. 

S’il nous faut une APF plus politique et des parlementaires qui veulent un autre fonctionnement démocratique plus proche des aspirations de nos populations, il nous faut agir en partenariat avec l’OIF, les acteurs de la charte de la Francophonie, la société civile et la jeunesse francophone. C’est cet alliage qui nous permettra de construire cette mondialité chère à Edouard Glissant.  

Comme disait Jean de La Fontaine, dans Clymène, « il nous faut du nouveau, n’en fût-il point au monde ». La Francophonie institutionnelle dépoussiérée, modernisée, réinventée, nous permettra de créer les conditions nécessaires où l’humanité entière pourra se réunir au banquet de l’Universel auquel nous invitait Senghor. 

Vive la Francophonie !

Merci à vous toutes et à vous tous de votre engagement. Si je quitte l’APF, plus que jamais, comme vous, je deviens un militant de la Francophonie ! 

Je vous remercie