Monsieur le Président, Cher François Paradis,
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Chers administrateurs, collaborateurs,
L’année dernière à Québec lors de notre réunion, nous nous étions engagés collectivement dans une nouvelle dynamique.
Nous demandions à la Secrétaire générale de renforcer le rôle politique de l’APF au sein de la Francophonie institutionnelle. Nous appelions à être plus systématiquement consultés et impliqués dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques francophones.
Et puis nous espérions aussi que le Sommet d’Erevan permettrait d’engager un processus de modernisation qui nous conduirait, en 2020, pour le jubilé de l’ACCT devenue OIF – aux changements nécessaires auxquels nous devions tous réfléchir dès à présent sur ces éléments.
Mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous dire que nous avons été entendus.
Aujourd’hui, la nouvelle secrétaire générale de la Francophonie souhaite que l’architecture institutionnelle, au-delà des spécificités de chacune de nos institutions et des opérateurs, s’exprime d’une seule voix pour donner plus de poids à notre organisation.
Et dans ce cadre, des réunions de consultation avec le cabinet de la Secrétaire générale, l’OIF et l’APF ont été instaurées depuis le début d’année avec des échanges constants.
Mais cependant, nous sommes toujours à l’offensive pour demander la co-présidence des missions électorales ou voir inscrit dans les rapports finaux, le rôle joué par l’APF et ses parlementaires. Au-delà de ces aspects, cette volonté de travailler ensemble et non plus côte à côte a permis d’amorcer une synergie politique commune et des actions mutualisées en faveur de :
– La bonne gouvernance,
– L’établissement des registres d’état civil,
– L’éducation et la jeunesse,
– La place des femmes,
– Le numérique
– Et la promotion de la langue française dans les instances internationales.
Nous envisageons aussi d’aller ensemble chercher des financements auprès des bailleurs mais aussi auprès de l’ONU ou de l’Union européenne.
Ainsi nous aurons plus de chance d’obtenir gain de cause.
Le rapport d’activités, au titre du premier semestre 2019, que j’ai l’honneur de vous présenter, illustre parfaitement cette dynamique.
Ce nouveau souffle politique de la Francophonie parlementaire qui a été amorcé en 2018 a été confirmé lors de notre réunion du Bureau de Bruxelles en début d’année et s’amplifie.
Vous avez pu le constater par vous-même, de nombreuses actions significatives ont déjà été mises en œuvre grâce au dynamisme de la présidente du réseau des femmes, des présidents des commissions et des chargés de mission de nos 4 régions mais aussi de vous tous pour votre confiance. En témoigne la petite vidéo diffusée. Je ne vais pas les reprendre mais je voudrais y ajouter :
– Le projet de loi-cadre pour éradiquer le fléau des enfants sans identité et d’autres comme par exemple celui sur la protection des données.
– Ou encore le lancement de la campagne internationale multilatérale en faveur de la ratification du Traité d’Interdiction complète des essais nucléaires (TICE) avec la promotion du multilatéralisme et du multilinguisme. A ce titre, nous accueillerons son Secrétaire exécutif, le Dr Lassina Zerbo.
Et je n’oublie pas que dans le cadre de notre mission de solidarité et coopération, l’APF a également organisé deux missions d’identification des besoins des assemblées nationales ; l’une en République Centrafricaine, l’autre en Haïti.
Elles nous permettront de mettre en place des plans de développement multilatéraux et des actions, concrètes et précises, pour renforcer les capacités de ces deux Parlements en recherchant la coopération et la cohérence avec d’autres institutions ou opérateurs toujours par souci d’efficacité.
Certes, il reste encore beaucoup à faire mais nous pouvons être collectivement fiers de ce que nous avons accompli dans ce qui est de notre responsabilité de parlementaires francophones.
Sans vous, chers collègues, sans le Secrétaire général administratif, sans les conseillers, tout cela n’aurait pas été possible. Notre équipe est restreinte, diverse, mais elle est dévouée et efficace. Et si nous pouvions la renforcer, ce serait bien et je lance un appel aux Présidents d’Assemblées pour qu’ils mettent à notre disposition un conseiller, en complément de ceux du Québec, de la Belgique, du Canada, de la France, nous serons bientôt renforcés par la Suisse, alors un conseiller africain et de la Région Asie, ce serait apprécié. N’hésitez pas à nous en parler.
Pour revenir à nos collaboratrices et collaborateurs, dans ce contexte difficile, je voudrais que nous leur témoignions un message fort de reconnaissance et de soutien pour leur engagement. Je voudrais ajouter avec la volonté de transparence qui est la nôtre que dans toutes les missions qu’ils mènent de par le monde comme ici à Abidjan, ils ne bénéficient d’aucune gratification alors qu’ils sont sur le pont 24h/24. Et permettez-moi d’ajouter aussi l’engagement bénévole des collègues membres du Bureau.
Et malgré un contexte loin de la sérénité, les conseillers et stagiaires du secrétariat général se sont démenés pour que cette session puisse se tenir dans les meilleures conditions administratives et matérielles. Qu’ils en soient remerciés !
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Si l’architecture institutionnelle de la Francophonie, avec comme clé de voûte, la secrétaire générale, doit être modernisée, notre institution doit également regarder en face ses règles et son fonctionnement. C’est une demande formulée depuis longtemps par plusieurs sections et aussi par le Président Paradis pour plus de transparence et d’efficacité.
Et puis, c’est d’autant plus nécessaire avec en premier lieu l’évolution du fonctionnement des institutions OIF, APF mais aussi la nécessité de réfléchir à des synergies avec les opérateurs et avec les ONG par souci d’efficacité et de cohérence.
Et notre APF ne doit pas rester isolée et se doit de se rapprocher d’autres instances interparlementaires pour rechercher les bonnes pratiques. Parce que nous vivons une situation paradoxale où les défis mondiaux sont de plus en plus connectés alors que nos réponses sont de plus en plus isolées.
Je dois excuser M. Martin Chungong, Président de l’UIP avec qui nous faisons le point sur nos dossiers pour mieux agir ensemble.
Oui, nous avons la nécessité de nous mettre aussi en mouvement pour mieux nous adapter à ce monde en mutation pour tenter de mieux répondre aux attentes des populations avec des enjeux essentiels.
Les défis semblent nombreux, tout semble prioritaire et je ne vais pas vous les énumérer (la faim, la santé, les infrastructures, l’eau, l’électricité, la sécurité).
S’ils sont nombreux, et nous ne pouvons y répondre rapidement. S’il faut du temps, 3 défis doivent nous mobiliser tout particulièrement :
– L’éducation pour toutes et tous avec une priorité pour les filles, bien évidemment avec les registres d’Etat civil,
– Le réchauffement climatique avec la montée du niveau des eaux, la désertification et leurs conséquences dramatiques pour les populations,
– Les problèmes transfrontaliers, avec les migrations, la lutte contre le terrorisme et donc pour un État de droit respecté.
Les réponses certes à ces questions multiformes sont elles aussi complexes. Elles ne peuvent être évidemment que transversales. Avec une difficulté grandissante partout dans le monde, la confiance entre les gouvernements et les organisations internationales s’érode et le nationalisme se multiplie.
Nos démocraties se trouvent fragilisées et même nous constatons la remise en cause de la démocratie représentative, abstention, la montée des populismes, des nationalismes … Le multilatéralisme lui aussi est malmené dans les instances internationales avec la remise en cause de la solidarité inter-Etats. L’égoïsme, le repli sur soi, les murs, les barbelés se propagent comme autant de solutions !
Ce qui est inacceptable pour nous parlementaires qui représentons les peuples. Nous devons rappeler que seuls les ponts, les passerelles, les discussions et les échanges organisés sont des perspectives pour faire avancer nos sociétés pour plus de progrès humains.
Alors, oui, si les temps sont durs, nous ne devons pas baisser la garde et nous devons encore réfléchir au fonctionnement de nos institutions pour les rendre plus efficaces. C’est pourquoi nous devons être également encore plus exigeants dans l’espace francophone sur le fonctionnement de nos démocraties et de nos parlements.
C’est le sujet qui nous animera ici à Abidjan.
Je crois que les différentes turbulences ici mais aussi ailleurs doivent nous amener à revisiter nos règles pour que notre marque de fabrique APF « vigie de la démocratie » comme aimait à le souligner Léopold Sédar Senghor ne claque plus comme un slogan mais bien comme une réalité.
Cette crispation que nous venons de vivre, épisode inédit dans l’histoire de l’APF, montre à quel point seul le respect du règlement (même si celui-ci se devra être précisé) permet d’éviter toute instrumentalisation et de tenir bon face à la pression, aux tentatives d’intimidation et même aux insultes sur les réseaux sociaux. Même si nous devons prendre du recul par rapport à ces nouveaux moyens de communication et même aux articles de presse.
Nous devons appréhender les situations dans leur globalité. Bien évidemment, nous ne devons ignorer rien des contextes locaux. Se rappeler aussi nous, parlementaires, que nous connaissons ce qu’est le combat politique. C’est pourquoi nous avons agi toujours pour préserver notre institution. Nous avons agi avec éthique dans le respect des règles et des textes actuels avec leurs insuffisances. C’est pourquoi nous avons consulté, rencontré, échangé et même proposé des perspectives de conciliation.
Peut-être avons-nous pu faire des erreurs ? Mais, mes chers collègues, quand les combats sont politiques avec en ligne de mire des échéances électorales à venir, comment pourrions nous agir autrement. D’autant plus qu’il ne nous appartient pas de nous immiscer bien évidemment dans ces campagnes pour l’APF, pas d’ingérence, mais pas d’indifférence non plus. Nous devrons réfléchir comment nous pouvons anticiper ces événements. Je veux vous dire aussi que le report, l’annulation, tout a été envisagé et ces questions ont été abordées lors de la Régionale Afrique avec une expression largement majoritaire de maintenir notre Session. Je crois pouvoir dire qu’ils avaient raison.
A partir du moment à condition que la logistique, l’hébergement, la sécurité soient remplies. Comment pouvions nous en douter, ici, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pays habitué à organiser des événements souvent et d’une autre ampleur que notre Session. Comment devons-nous agir quand il y a des crispations sociales, politiques, démocratiques, dans un pays francophone ? Certes la question n’est pas simple, mais ce n’est pas parce que c’est compliqué que nous ne devons pas l’aborder. Anticiper ces crises certes mais ne pas oublier que notre institution internationale, si elle se doit d’être cohérente avec ses valeurs, se doit aussi de montrer sa force. Et qu’une institution comme la nôtre « Vigie de la démocratie » ne doit pas craindre d’affronter les vents même quand ils sont contraires. C’est ce que nous a rappelé le Sage, Président de notre institution. Il est utile de rappeler encore et encore que notre Association internationale des parlementaires de langue française créée en 1967, devenue APF en 1998 ici même à Abidjan avait connu une crise majeure, à travers un problème qui opposait le Québec et le Canada.
L’APF évolue, en effet, dans un cadre précis qui repose sur la souveraineté des parlements membres, que ce soit pour la composition des sections mais aussi sur la souveraineté des sessions plénières notamment pour les postes internationaux.
Ainsi, les sections dépendent des parlements dont elles émanent. Leur composition politique tend à̀ refléter celle de ce parlement. Et nous devons transformer cette tendance en y intégrant la parité.
L’APF n’a pas à jouer les arbitres ou à prendre parti. Notre institution doit se situer au-dessus de la mêlée mais aussi chaque parlementaire francophone se doit de respecter les valeurs de la Francophonie et doit être digne du mandat qu’il porte ou qu’il souhaite porter. Là encore nous devons être encore plus exigeants.
Vous comme moi, nous nous passerions bien de ces épisodes qui secouent nos démocraties mais on dit chez moi, au pays de Jean de La Fontaine : « en toute chose il faut considérer la fin ». Et les turbulences qui secouent notre institution sont riches en enseignement :
– Un – L’APF est reconnue comme une institution interparlementaire influente.
– Deux- Nos règlements et l’esprit de notre Assemblée sont le gage de la légitimité de notre institution. Elles doivent donc être réaffirmées avec intransigeance et fermeté. Cela suppose un dialogue continu, franc, neutre et objectif avec tous.
– Trois – Le renforcement de la démocratie doit nous guider pour envisager une évolution de nos statuts et de notre fonctionnement. Le bureau de Bruxelles avait déjà validé le projet de modernisation du fonctionnement de notre institution.
C’est l’orientation 5 de notre cadre stratégique 2019-2022. C’est à quoi je vous propose de nous atteler au lendemain de la session plénière. Et je sais que nous pouvons compter sur la Commission politique avec son Président Christophe-André Frassa que je consulte et associe régulièrement pour nous faire des propositions.
J’ai aujourd’hui la conviction qu’il faut renforcer la démocratie dans nos règles internes. Les sections et les délégations devront davantage tendre vers la parité (notion qui n’existe pas encore dans nos statuts) et refléter la diversité des opinions des groupes politiques des parlements. « Adhérer à l’APF, c’est adhérer aux objectifs de promotion de la démocratie, de l’État de droit et des droits de la personne (…) »
Il nous faudra définir plus précisément certaines formulations pour éviter toute interprétation partisane en cas de crise au sein d’un parlement membre.
Profitons-en pour nous en parler en toute franchise, sans tabou, pour faire avancer la démocratie, la bonne gouvernance et l’Etat de droit qui sont la clé de voûte de cet espoir de pouvoir vivre ensemble dans nos sociétés.
Prenons cette session comme une opportunité pour réaffirmer que démocratie et Francophonie sont indissociables. Et que, toutes deux ensembles, elles portent des valeurs de progrès humain pour toutes et tous.
Le monde entier regarde la Côte d’Ivoire. Il regarde aussi la Francophonie. Alors, pour ma part, je suis déterminé à faire vivre nos valeurs.
Je compte sur vous, amis ivoiriens, et je sais compter sur vous tous, amis francophones.
Vive la Côte d’Ivoire, Vive la Francophonie
Mesdames et Messieurs, chers collègues parlementaires mais aussi administratrices et administrateurs et collaboratrices et collaborateurs. Merci de votre confiance.
Je vous remercie.