Ratification de l’Accord de Paris (COP21)

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A la suite de l’Accord de Paris approuvé par l’ensemble des 195 délégations le 12 décembre 2015 lors de la COP21 a été ratifié par l’Assemblée nationale ce mardi 17 mai 2016. Lors de mon intervention j’ai souhaité rappelé que si cet accord n’est pas juridiquement contraignant, il est politiquement contraignant. Une étape a été franchie à Paris et notre Assemblée a été la première a ratifier cet Accord.

L’intervention en vidéo :

Le compte-rendu des débats :*

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le président et rapporteur pour avis de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, disons-le sans gêne, le 12 décembre 2015 fut une journée historique, non seulement pour la France mais aussi pour la communauté internationale.

Au-delà de quelques postures partisanes, comme nous avons pu le constater lors de certaines auditions en commission du développement durable, nous devrions être fiers, sur tous ces bancs, collectivement, de la réussite de notre pays : celle du Président de la République, celle de Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, la vôtre, madame la ministre, mais aussi celle de la diplomatie française.

Nous nous rappelons notre émotion lorsque le président de la COP21 marqua le consensus, d’un coup de marteau : ce geste fort a acté un horizon plus ambitieux que celui qui pouvait être envisagé, voire espéré, quelques jours auparavant. Souvenons-nous du contexte dramatique d’après-attentats. Et n’oublions pas non plus que, compte tenu des échecs antérieurs, les doutes et le scepticisme dominaient.

Qui pouvait croire que la France parviendrait à entraîner 187 pays dans la mise en œuvre du plan climat ? Ce succès diplomatique et politique a été salué avec force dans la presse internationale mais aussi par la grande majorité des États du monde entier. Ici seulement, chez nous, certains médias sont restés sur la réserve, adoptant des postures partisanes incompréhensibles.

Mais voici la réalité : comme l’a dit le Président de la République, « une espérance s’est levée ». Elle nous oblige tous à tout faire pour que ces engagements et déclarations deviennent des réalités, simplement parce que l’urgence climatique est toujours là, avec la destruction des écosystèmes, la montée des eaux menaçant nos populations et les déserts qui gagnent. Il n’y a plus de temps à perdre et cette ratification, quelques semaines après la signature de l’accord de Paris, montre que la France est toujours à l’offensive. Notre pays doit être le moteur.

Cela a déjà été rappelé, la ratification par l’Union européenne est complexe : chaque pays doit effectuer sa propre procédure ; le Conseil et le Parlement européens doivent approuver la ratification à la majorité qualifiée. Or certains pays membres, dont la Pologne, ne prendront pas position tant que la répartition entre États membres de la réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 n’aura pas été arrêtée. La ratification par l’Union européenne risque donc de prendre du retard, ce qui porterait préjudice à l’accord. Madame la ministre, quand peut-on espérer cette ratification ?

Être à l’offensive, concrétiser la COP21, c’est aussi l’action indéfectible de la commission du développement durable, présidée par Jean-Paul Chanteguet. Comme il s’y était engagé dans cet hémicycle, celui-ci organise inlassablement et avec pugnacité le suivi de cet accord – deux réunions avec les ONG, les collectivités et les entreprises –, préparant ainsi la COP22 à Marrakech. Je veux saluer cette démarche : la discussion, les débats, les propositions et la ratification font partie de la politique, mais c’est aussi le cas du suivi, de l’analyse, de la mise en œuvre et des évaluations. La démarche politique des parlementaires est souvent, et parfois à juste titre, critiquée, brocardée ; en l’occurrence, je veux saluer le travail en profondeur effectué par la commission et ses membres.

Certes, comme vous, je sais que rien n’est gagné et que beaucoup reste à faire. Mais nous devons être résolument optimistes. Nous n’avons d’ailleurs pas d’autre solution, Pierre Radanne l’a rappelé lors de son audition : l’optimisme, c’est la volonté et l’envie, quand le pessimisme n’est que la critique et la défaite. Pour l’accord de Paris, nous avons choisi notre camp. Nous n’avons pas le droit de renoncer, pour la planète, pour la vie et surtout pour les millions d’hommes, de femmes et d’enfants victimes de l’exode climatique, fuyant leur terre en passe d’être inondée ou transformée en désert.

Récemment, cinq des îles Salomon ont disparu sous les eaux. Le mois d’avril 2016 fut le plus chaud jamais enregistré, avec une hausse de 1,1 degré, allant même jusqu’à 2,5 degrés au Sahel, en Sibérie, en Amérique du Nord et au Proche-Orient. Oui, les pays concernés, souvent émergents ou en voie de développement, s’engagent maintenant avec responsabilité. Mais ils attendent aussi beaucoup des pays développés et nous demandent d’accélérer le mouvement contre ces dérèglements climatiques qui menacent leur vie.

L’accord de Paris permettra, à l’échelle globale, la maîtrise puis la réduction attendue des émissions de gaz à effet de serre, afin que la planète revienne sur des trajectoires d’émissions compatibles avec le plafond des 2 degrés et que les impacts du dérèglement climatique soient ainsi limités. Le ralentissement progressif de la hausse des émissions facilitera l’adaptation des écosystèmes, qui, sans accord universel, donc sans action forte et concertée à l’échelle mondiale, seraient exposés à des perturbations insoutenables.

Par ailleurs, le préambule de l’accord de Paris stipule que les parties doivent tenir compte des impératifs d’une transition juste pour la population active et de la création d’emplois décents et de qualité. Il s’agit d’un signal important envers le monde du travail, fortement mobilisé pour la COP21. L’accord reconnaît ainsi que le dérèglement climatique, mais aussi la transition économique, notamment la transformation industrielle, ont un impact sur l’emploi. Dans les pays en développement, les travailleurs figurent parmi les premières victimes du dérèglement climatique, qui va parfois jusqu’à causer la destruction de leur outil ou de leur lieu de travail. Dans les pays développés, il s’agit plutôt d’anticiper la mutation vers une économie sobre en carbone et son impact sur le marché du travail. Cela implique la formation à de nouveaux métiers, la création de nouvelles filières, souvent plus qualitatives, et de nouvelles compétences.

L’adoption de l’accord ouvre aussi la voie à une réorientation des flux financiers vers des investissements d’avenir, permettant notamment d’améliorer la qualité de l’habitat et de favoriser la santé. Ainsi, une plus grande isolation des bâtiments assurera une meilleure protection des personnes vulnérables lors d’épisodes de fortes chaleurs. La rénovation des logements permettra en outre de progresser en matière de qualité de l’air intérieur. Le développement des transports propres, quant à lui, rendra possible de réduire les nuisances sonores et atmosphériques.

Je veux rappeler que l’accord de Paris engage également les parties à promouvoir et à prendre en considération leurs obligations en matière d’égalité des sexes dans le cadre de leurs actions sur le climat. En particulier, l’article 7 reconnaît que chaque pays doit impulser « une démarche […] sensible à l’égalité des sexes » et l’article 11 dispose que « le renforcement des capacités [doit] représenter un processus efficace, itératif, participatif, transversal et sensible à l’égalité des sexes ». Au terme « égalité », l’accord préfère celui d’ « équilibre » et s’inscrit dans une volonté de parité.

Enfin, si la question d’un accord juridiquement contraignant reste posée, le texte adopté à Paris est politiquement contraignant : quitter la communauté de destin de l’humanité ne peut demeurer impuni. Il reste donc à affirmer la nature politiquement contraignante de cet accord. Quelle est votre position sur ce point, madame la ministre ?

De par sa forme juridique – un protocole additionnel à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques –, cet accord a valeur de traité international. Cela contraint les parties à l’exécuter « de bonne foi », comme le prévoit la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Cela a été rappelé, chaque État a l’obligation d’établir une contribution nationale, contenant ses engagements précis de réduction d’émissions, de la mettre en œuvre et surtout de la réviser à la hausse tous les cinq ans.

La France, soucieuse de rester parmi les États les plus avancés de l’Union européenne et du monde, dans la dynamique conjointe de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a décidé d’aller encore plus loin : révision au plus tard en 2020 des engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ; révision de la contribution financière en faveur de l’adaptation des pays les plus vulnérables ; formation d’une coalition pour aboutir à un prix du carbone.

En ratifiant cet accord à l’unanimité – je l’espère –, nous manifesterons tous notre volonté d’amplifier la mobilisation contre le réchauffement climatique sur tous nos territoires. Dans le sud de l’Aisne, aux Portes de la Champagne, nous avons lancé un appel à projets dans le cadre de la deuxième tranche du programme « Territoires à énergie positive pour la croissance verte ». Nous devons aussi renforcer nos efforts de communication, d’information et de pédagogie auprès des populations, car l’accord de Paris se révèle souvent illisible. Dans un souci évident de démocratie, il faut le transcrire en termes clairs. Oui, l’action locale doit s’amplifier encore. Madame la ministre, vous pouvez compter sur nous. Nous en ferons un enjeu local, dans une perspective globale, pour garder espoir et permettre aux générations nouvelles de retrouver confiance en l’humanité et en l’avenir.

Je ne citerai pas John Fitzgerald Kennedy ou André Malraux mais Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry (« Ah ! » sur divers bancs), qui conclut ainsi la fable L’Hirondelle et les petits Oiseaux : « Nous […] ne croyons le mal que quand il est venu. » Le mal est aujourd’hui à nos portes ; c’est pourquoi nous devons agir avec détermination. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient totalement la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.)