Oui aux bornes de recharge pour VE

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Si pour ma part l’installation d’un véritable réseau de bornes de recharge pour les véhicules électriques est important, j’ai tenu à souligner lors de mon intervention que ce n’était pas le seul moteur au développement des voitures électriques. Et puis, j’ai insisté, comme toujours, que nos territoires ne devaient pas encore une fois être les enfants pauvres de ce déploiement.

L’intervention en vidéo :

Le compte-rendu des débats :

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, oui, tout doit être fait pour favoriser l’essor de la voiture électrique, et cela passe évidemment par le développement du réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques dans le territoire français. La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui en est un facteur déterminant.

Dans le cadre des engagements internationaux de la France sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’adoption de mesures visant à faciliter le déploiement d’un réseau d’infrastructure de recharge de véhicules électriques dans l’espace public devrait y contribuer, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, d’un point de vue environnemental : ainsi que nous l’avons souvent expliqué dans cet hémicycle au cours des débats sur la mise en place de l’écotaxe, le secteur des transports est un grand consommateur d’énergies fossiles en France et l’un des principaux émetteurs de polluants et de gaz à effet de serre. Il existe par ailleurs d’autres éléments, comme la transition énergétique ou les enjeux économiques et l’emploi, sur lesquels je reviendrai. Mais si la voiture électrique est un sujet d’actualité depuis environ vingt ans, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, son invention remonte bien au-delà, à plus d’un siècle ! Le 29 avril 1899, dans le parc agricole d’Achères de la ville de Paris, une voiture dépassait en effet pour la première fois la barrière symbolique des 100 kilomètres par heure – 105 kilomètres par heure exactement. Cette voiture était une voiture électrique franco-belge, la « Jamais contente ».

En 2013, soit cent quinze ans après cette prouesse, 14 000 véhicules électriques ont été vendus, ce qui représente tout de même une hausse de 50 % en un an, même si cela demeure en deçà des prévisions. Pourquoi si peu ? Il existe plusieurs facteurs limitant ce développement. Tout d’abord, le prix de vente ou de location de longue durée établi par les constructeurs automobiles est encore trop élevé. Certes, madame la rapporteure, vous avez tout à l’heure mentionné l’existence d’un « facteur psychologique décisif » et indiqué que le déploiement d’un réseau national couvrant le territoire doit précéder les ventes de véhicules électriques pour convaincre les acquéreurs potentiels hésitants de faire le premier pas. Vous avez raison, mais ça ne peut être le seul levier de développement du marché des véhicules électriques : il nous faut aller plus loin. Si les aides de l’État à l’achat sont incitatives, pour autant, et le président Brottes l’a souligné, le prix des batteries demeure encore trop souvent rédhibitoire.

L’essor du véhicule électrique se jouera également sur la capacité des constructeurs à diminuer le coût des batteries. Du fait de son coût global d’achat et d’utilisation, le véhicule électrique n’apparaît pas suffisamment avantageux – même si notre collègue a rappelé tout à l’heure tout l’intérêt économique de rouler en Zoé en comparaison avec les véhicules thermiques – : c’est là l’un des premiers freins, en dépit d’un prix de revient au kilomètre nettement inférieur. De plus, la faible autonomie des véhicules électriques, que les constructeurs annoncent aux alentours de cent cinquante kilomètres, en fait souvent des secondes voitures à usage urbain et périurbain, bien qu’elles commencent à pénétrer en milieu rural ou dans les petites villes – il y en a même à Château-Thierry ! Par conséquent, le maillage territorial des bornes de recharge, en l’état actuel, ne permet pas de rassurer les propriétaires ou éventuels futurs acquéreurs de véhicules électriques et accentue la peur de la panne, très bien décrite tout à l’heure.

Cette proposition de loi est donc indispensable, car il subsiste aujourd’hui de nombreuses zones partiellement, voire totalement délaissées sur le territoire français. La continuité territoriale est loin d’être assurée à ce jour et le propriétaire d’un véhicule électrique n’a aucune garantie de pouvoir se déplacer partout en France avec un véhicule électrique au-delà des territoires d’excellence tels que la Vendée ou la région Poitou-Charentes. La région Picardie ne possède que cinquante-cinq à soixante bornes, dont dix-sept dans l’Aisne – quatre à Château-Thierry. Ces disparités sont d’autant plus fortes entre les espaces urbains et les espaces ruraux que la voiture pour les habitants des communes rurales y est bien plus qu’un simple moyen de transport : elle constitue le moyen de locomotion entre le domicile et le lieu de travail.

Oui, l’accès à la borne électrique doit être un droit pour tous, quelle que soit la région où l’on réside. Tout doit être mis en œuvre afin qu’au-delà des grandes villes et des grandes agglomérations, nos territoires ruraux puissent, eux aussi, bénéficier de ces nouvelles technologies dans les mêmes délais. En favorisant le développant des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques, l’adoption de la proposition de loi que nous examinons pourrait donner les moyens de réduire ces inégalités territoriales. Notre collègue Jeanine Dubié rappelait en commission que nos territoires ruraux ne devaient pas devenir les enfants pauvres du développement des véhicules électriques. Nos territoires ruraux connaissent eux aussi des pollutions au C02. Ainsi, dans le sud de l’Aisne, la mise en place du plan climat-énergie territorial nous a permis d’établir que 28 % des émissions de C02 étaient dues aux problématiques de la mobilité.

Par ailleurs, ce maillage territorial devra impérativement s’accompagner d’un véritable service à la recharge : géolocalisation des points de recharge avec une indication de disponibilité, indication du niveau de recharge en temps réel sur portable. Demain, les Français qui se rendent au travail, à l’école, en week-end ou en vacances devront pouvoir le faire avec un véhicule électrique sans crainte de la panne sèche et pouvoir recharger leur véhicule facilement. L’existence d’un réseau de recharge électrique efficace, disponible, ainsi que la diminution des coûts des véhicules et l’évolution des batteries, favoriseront le succès de la voiture électrique.

Au-delà de l’aspect environnemental, de la transition énergétique, des aspects sociaux, il s’agit en effet également d’un enjeu industriel majeur, ainsi que vous l’avez rappelé avec brio, monsieur le ministre. Vous avez salué la performance des constructeurs automobiles français, qui détiennent 80 % des parts de marché du véhicule électrique pour les particuliers, contre 53 % pour l’ensemble des véhicules pour les particuliers. En outre, de nombreux équipementiers électriques, pourvoyeurs d’emplois locaux, sont directement concernés. Dans la conjoncture économique dégradée que nous connaissons, nous ne pouvons pas nous priver de telles potentialités d’emplois !

Par ailleurs, la présente proposition de loi constitue une réponse au projet de directive européenne en cours de discussion, qui imposera aux États membres un certain nombre d’objectifs relatifs au maillage du territoire en infrastructures de recharge. Actuellement, certaines mesures existent mais restent insuffisantes : ainsi, dans le cadre des investissements d’avenir, l’État a confié à l’ADEME le rôle d’opérateur du programme « Véhicule du futur », doté d’un budget de 50 millions d’euros alloué aux infrastructures.

De plus, L’article L. 111-5-2 du code de la construction et de l’habitation, introduit par la loi Grenelle 2, prévoit l’obligation d’intégrer des prises de recharge dans les parkings des nouveaux immeubles. Quant à la loi ALUR, elle étend dès janvier 2016 ces dispositions aux bâtiments industriels et commerciaux.

Du côté des acteurs privés, 25 000 bornes de recharge ont été installées : 8 000 par des particuliers, 12 000 destinées aux flottes d’entreprise, 1 000 dans les centres commerciaux et 4 000 dans les parkings. Cela montre bien le réel intérêt des acteurs privés pour l’installation de telles infrastructures.

Comme vous l’avez indiqué, madame la rapporteure, la présente proposition de loi a l’avantage d’être brève et ciblée. Toutefois, il me semble qu’elle comporte quelques limites et que quelques précisions devraient être apportées.

Ainsi, les modalités de création de l’opérateur national ne sont pas assez clairement explicitées. Même si vous nous avez quelque peu rassurés tout à l’heure, il ne faudrait pas que le nouvel opérateur national vienne concurrencer l’offre publique déjà développée par les collectivités, les EPCI ou les syndicats d’électrification, comme c’est le cas dans l’Aisne avec l’USEDA. La concertation entre les collectivités territoriales et l’État, prévue dans la proposition de loi, doit être respectée à la lettre afin de permettre une évaluation précise et d’éviter que ces acteurs ne se concurrencent.

À l’exception de ces réserves, nous soutenons cette proposition de loi car nous considérons qu’elle donne des moyens d’action efficaces pour contribuer au développement du secteur de l’automobile électrique. Comme l’écrivait Jean de la Fontaine dans Clymène : « Il me faut du nouveau, n’en fût-il point au monde. » Oui, monsieur le ministre, avec ce réseau d’infrastructures, nous sommes à l’offensive en France, en Europe et dans le monde. C’est pourquoi le groupe RRDP soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. Arnaud Montebourg, ministre. Merci, monsieur le député !