Francophonie : Question orale à Yamina Benguigui

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Francophonie

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie. Après des affrontements et polémiques souvent excessifs, après des questions sur de véritables préoccupations comme le budget européen insatisfaisant, les plans de licenciements ou la dette publique qui nous interpellent tous, ma question nous invite à nous rassembler.

Sur les cinq continents, la francophonie est une des clés de notre développement économique. Dans certains pays, elle peut être une arme pacifique contre le terrorisme. Elle est emblématique de notre universalisme et de notre diversité culturelle. La francophonie est un atout qui doit nous rassembler. De même que notre République – notre patrie –, notre langue n’appartient pas à un camp, elle est notre patrimoine collectif. Ensemble, nous devons la promouvoir : il ne s’agit pas de repli sur soi, mais d’ouverture sur le monde !

La francophonie mériterait d’avoir sa maison, qui pourrait être le château de Villers-Cotterêts où, en 1539, l’ordonnance de François Ier nous a donné le français pour langue nationale. Le maire de cette ville, Jean-Claude Pruski, et des associations se mobilisent en faveur de ce projet.

Dans notre pays, dans nos villes et dans nos quartiers, la lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme doivent procéder du même effort. L’inclusion sociale et l’accession à la citoyenneté passent par la maîtrise du français.

Ici, à l’Assemblée nationale, dans certains discours, notre langue cède le pas au « franglais ». En commission, des documents sont rédigés en anglais. En Europe, où en est-on dans la traduction des brevets scientifiques et dans la ratification de la charte des langues régionales et minoritaires ?

Pour conclure, je ne citerai pas Jean de la Fontaine mais Alexandre Dumas, originaire de Villers-Cotterêts, et la devise des trois mousquetaires : « Un pour tous, tous pour un ». Cette devise doit être aussi la nôtre pour défendre notre langue, le français.

Madame la ministre, au nom du groupe RRDP, je vous pose la question suivante : quelle politique initiez-vous pour promouvoir la francophonie en France, mais aussi dans le monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs des groupes SRC et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la francophonie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. C’est une première !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée chargée de la francophonie. Monsieur le député Jacques Krabal, c’est dans votre circonscription que la langue française est devenue notre langue nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cette terre a porté le talent de Jean de la Fontaine, Jean Racine (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy. C’est fabuleux !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. …et Alexandre Dumas. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, écoutez la ministre !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. Je serai à vos côtés pour faire du château de Villers-Cotterêts la maison de la francophonie.

La francophonie est un espace de soixante-dix-sept pays, comptant 220 millions de locuteurs, qui seront 800 millions en 2050 dont 80 % en Afrique.

M. Alain Chrétien. Incroyable !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. J’ai décidé de lancer un programme de formation de 100 000 professeurs en Afrique.

Je défends l’idée d’une langue solidaire et égalitaire. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Peut-on avoir une traduction ?

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. C’est au nom de ces valeurs que j’organiserai le premier forum mondial des femmes francophones, le 20 mars à Paris. Ce forum a l’ambition de porter les fondations d’un nouveau statut des femmes dans l’espace francophone et de défendre leurs droits partout où ils sont menacés.

Au niveau national, je mènerai une politique ambitieuse pour la francophonie en France. (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues…

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. Dans de nombreux territoires, les politiques ghettoïsantes du passé ont laissé le français à la porte de certains quartiers. Combien de pères de la première génération d’immigrés…

M. Franck Gilard. Il n’y a plus de pères ! Il n’y a que des parents !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. …n’ont connu de cette langue d’égalité et de liberté que l’ordre à exécuter ? Combien de mères de la première génération…

M. Franck Gilard. Il n’y a plus de mères non plus !

Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée. …ont fait le vœu et ont rêvé de pouvoir suivre l’éducation de leurs enfants ? Pour les générations d’enfants nés en France dans ces territoires d’outre-ville (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), il est urgent de leur donner de maîtriser la langue française.

Maîtriser la langue française, c’est maîtriser la langue de l’égalité et de l’indépendance. Maîtriser la langue française, c’est maîtriser la langue de l’émancipation. Maîtriser la langue française, c’est maîtriser la langue de l’enracinement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – « Zéro ! » sur quelques bancs du groupe UMP.)