Retraites chapeau : avoir du bon sens c’est bien, mais nous attendons la suite

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Suite aux déclarations de M. Emmanuel Macron concernant sa volonté de supprimer les retraites chapeau, j’ai souhaité l’interroger pour connaître sa réelle motivation et lui demander d’aller jusqu’au bout.

L’intervention en vidéo :

Compte rendu officiel :

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre de l’économie, vous nous avez annoncé hier vouloir supprimer les retraites chapeaux. Vous avez raison. 350 000 euros pour Didier Lombard, 740 000 euros pour Henri Proglio, 830 000 euros pour Gérard Mestrallet : les montants de ces retraites sur-complémentaires atteignent des sommets déraisonnables. Ils ne reposent sur aucune rationalité économique et sociale, alors que le montant moyen des retraites est d’environ 1 250 euros par mois – c’est une moyenne : cela signifie qu’il existe des pensions nettement inférieures à ce montant.

Les députes du groupe RRDP ont toujours été attentifs aux petites retraites. Nous portons le combat d’une retraite décente pour tous, tout comme nous sommes aux côtés des entrepreneurs qui se battent pour préserver l’emploi. À l’heure où les difficultés s’accumulent pour des millions de nos concitoyens, les retraites chapeaux sont autant de provocations. Elles sont moralement et socialement inacceptables.

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas le premier à vous engager dans la voie d’une réforme de ces retraites, et je crains que vous ne soyez pas le dernier. Vous avez raison de dire qu’il faut cultiver l’éthique des dirigeants. Mais les multiples exemples récents nous prouvent que l’autorégulation ne suffit pas : il faut un encadrement strict.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la création d’une mission de l’inspection générale des finances. C’est bien. Mais pourquoi ne pas ouvrir cette mission à l’inspection générale des affaires sociales, et à des députés issus de chacun des groupes parlementaires ? Pouvez-vous nous donner quelques explications sur votre feuille de route, votre méthode, et les délais ?

Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, écrivait dans la fable Le berger et le roi : « Il avait du bon sens ; le reste vient ensuite ». Monsieur le ministre, vous avez fait preuve de bon sens ; ce qui nous intéresse maintenant, c’est la suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député, vous avez raison de dire que les chiffres des retraites chapeaux que vous avez rappelés sont incompréhensibles pour les Françaises et les Français qui touchent des petites retraites. Il me faut néanmoins dire la vérité : traiter le problème des retraites chapeaux n’apportera rien aux petits retraités français. Cela n’en est pas moins une nécessité politique et morale.

Vous m’interrogez sur la méthode que j’entends employer. L’inspection générale des affaires sociales sera bien évidemment associée à la mission de l’inspection générale des finances : ces deux corps d’inspection travailleront ensemble. Ils auditionneront tous les députés qui veulent participer à leur travail et leur apporter des idées. Surtout, je veux que ces propositions puissent déboucher rapidement sur des mesures, afin que nous puissions les intégrer, par voie d’amendement, au projet de loi pour l’activité et la croissance que je défendrai au Parlement au début de l’année prochaine. Nous devons prendre des mesures concrètes et pratiques, car ce n’est pas de symboles que nous avons besoin.

Sur le fond, monsieur le député, beaucoup de choses ont été dites sur ce que l’on appelle les retraites chapeaux. J’ai fait hier, dans cet hémicycle, une distinction importante. Plus d’un million de Français ont des retraites supplémentaires. Ces retraites supplémentaires sont tout simplement des retraites pour lesquelles ils ont contribué au-delà de la normale. Les Français concernés perçoivent, pour la plupart, de petites retraites : il ne s’agit pas de les pénaliser davantage !

Or jusqu’ici, à chaque fois que le problème des retraites chapeaux a été abordé, le traitement proposé consistait à fiscaliser davantage les gros comme les petits. La mesure que nous devons prendre, au contraire, doit concerner les mandataires sociaux et les grands cadres dirigeants d’entreprises, qui, sans contribuer, demandent à leur entreprise d’abonder des montants importants pour bénéficier, à vie, d’une retraite chapeau.

Voici le message que nous voulons faire passer – et qui inspirera les mesures que nous prendrons : il faut récompenser le risque, mais traquer la rente partout où elle existe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)