De retour de Québec, je vous propose de revenir sur les grands sujets abordés au cours de cette 44è assemblée plénière de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie : éducation, développement du numérique, culture, état civil, enjeux diplomatiques et économiques… C’est une semaine intense d’échanges et de construction pour la Francophonie qui s’est tenue en présence de 560 parlementaires du monde entier. En qualité de Secrétaire général parlementaire de la Francophonie, ce temps fort a été l’occasion aussi de fixer collectivement les grands axes des années à venir. Retour en images…
• Retrouvez les grands sujets abordés dans ce reportage de TV5 Monde (cliquez sur l’hyperlien).
• Retrouvez ci-après mon discours
Madame la Secrétaire générale de la Francophonie,
Je suis heureux de vous retrouver à Québec et vous redis mon attachement à nouer des relations toujours plus étroites entre l’APF et l’OIF,
Monsieur le Président de l’APF,
Mesdames et Messieurs les Présidents d’assemblée, Mesdames et Messieurs les Présidents de sections, Chers collègues parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous dire le plaisir et la fierté que je ressens à être parmi vous lors de notre session annuelle, ici à Québec où l’idée même de Francophonie a germé, notamment dans l’esprit fécond de Jean-Marc Léger, père fondateur de la Francophonie aux côtés de Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, Norodom Sihanouk ou encore d’Hamani Diori.
Rappelons-nous qu’il a été l’un des initiateurs del’Association des Universités Partiellement ou entièrement de Langue Française (AUPELF), première grande organisation non gouvernementale de langue française (aujourd’hui l’AUF) dont il fut le premier secrétaire général. Il animera également de 1969 à 1974l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT) devenue l’OIF.
C’est dire l’apport essentiel du Québec à la Francophonie. Chez vous, elle est non seulement une langue de cœur mais aussi l’axe central de votre politique nationale et internationale. Votre compatriote Paul Gérin-Lajoie l’a démontré en favorisant l’influence du Québec sur la scène mondiale. Depuis, le Québec a déployé une véritable diplomatie sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles puis, lors de la COP 21, le Québec a joué un rôle clé pour fédérer les entités régionales comme les Etats fédérés autour d’objectifs communs ambitieux.
Le président de l’Assemblée nationale du Québec mais aussi président de l’APF, Jacques Chagnon s’inscrit dans la noble lignée de ces pères fondateurs. Humaniste, fin connaisseur des relations internationales, il est un véritable « diplomate parlementaire ». Constatant les bouleversements causés par la révolution numérique en termes notamment d’influence du français, d’éducation et de culture, le président Chagnon a fait du numérique le thème central de sa présidence. Sa détermination, son action au sein de notre assemblée prouve que la Francophonie ne se limite pas à des slogans mais à des actions fortes, à un dessein commun et à des synergies qu’il nous faut amplifier. C’est ce cap qui guide également mon action en tant que secrétaire général parlementaire.
Le rapport d’activités illustre les principales actions menées au premier semestre 2018. Le document qui a été mis en ligne contient toutes les informations dont vous souhaiteriez disposer. Je ne vais donc pas vous en détailler tous les éléments. Ces derniers mois ont été marqués par plusieurs réunions, commissions, séminaires et rencontres importantes : celle du Bureau, à Paris, les 1er et 2 février, ainsi que celles des quatre commissions et du Réseau des femmes, mais aussi les conférences de présidents de sections dans un cadre régional et la 26e assemblée de la Région Afrique, à laquelle le Président Jacques Chagnon et moi-même avons participé. Notre Assemblée a poursuivi sa mission de solidarité à l’égard des parlements qui sollicitent son appui, à l’organisation de plusieurs séminaires de coopération parlementaire (au Cap Vert, en Tunisie, à Madagascar, en République démocratique du Congo et en Côte d’ivoire), à des stages de formation au bénéfice des fonctionnaires parlementaires accueillant du 19 mars au 13 avril dernier dix d’entre eux venant du Bénin, du Cambodge, de Côte d’Ivoire, de Madagascar, du Mali, du Niger, du Sénégal, du Togo et de Tunisie, qui ont participé au stage ENA/CISAP à Paris. L’APF a créé deux programmes de développement parlementaire, pour Madagascar et pour le Mali. Elle a poursuivi ses programmes de coopération consacrés au numérique, aux femmes et aux jeunes.
Le Réseau des femmes parlementaires avec sa présidente, Mme Lydienne Epoubé, et sa vice-présidente, Mme Françoise Bertieaux, a été très actif, notamment lors de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies du 12 au 23 mars. De plus, les jeunes parlementaires de l’APF ont organisé leur session en mars à Dakar ainsi qu’Antananarivo. Le cycle de formation étant désormais clos, ils présenteront devant vous leur projet de création d’un Réseau des jeunes parlementaires francophones de l’APF.
Cela n’a été possible que grâce à votre engagement à vous parlementaires, qui s’est vérifié notamment lors des quatre réunions de commission et je voudrais mettre en avant les présidents des commissions sans les citer qui ont voulu répondre avec pragmatisme aux questions actuelles, mais aussi contribuer à une francophonie plus ambitieuse, plus politique.
Comme les pères fondateurs avant nous, il nous faut regarder en face les mutations de notre monde secoué par des crises économiques, des conflits armés, des dérèglements climatiques et des migrations. Ce monde nous offre autant de défis à relever que d’opportunités à saisir. Parlementaires, nous avons une responsabilité particulière : nous sommes à la fois la courroie de transmission entre les priorités des peuples et les décisions à prendre par les chefs d’Etat et les gouvernements, mais aussi des décideurs responsables.
C’est pourquoi, je souhaiterais partager avec vous quelques réflexions sur de grandes dynamiques autour desquelles nous pourrions engager nos parlements dans les années à venir si vous en étiez d’accord et sur lesquelles le nouveau cadre stratégique de l’APF pourrait s’appuyer afin de gagner en efficacité et en influence. J’ai présenté au Bureau (qui l’a accepté) des orientations stratégiques et une méthodologie qui vous seront envoyés afin de recueillir vos avis.
Trois dynamiques m’apparaissent essentielles :
1. Le développement d’un espace culturel, innovant, dynamique ;
2. Le renforcement de la démocratie et des droits.
3. Le développement d’un espace économique inclusif et durable ;
D’abord, donc le développement d’un espace culturel, innovant, dynamique … La vocation première de la Francophonie est de conforter et d’accroître l’usage de la langue française tout en promouvant le plurilinguisme dans le monde ainsi que dans la vie diplomatique et internationale. La reconstitution du forum des eurodéputés depuis avril dernier nous aidera à promouvoir le français dans les instances européennes. Je suis heureux également de l’adoption, lors de la Conférence des présidents de la Région Europe en mai dernier, de la
Déclaration de Bucarest qui incite les États membres de la Francophonie à promouvoir l’usage du français dans les institutions internationales. Nous avons une fenêtre d’opportunité inédite avec le Brexit. Tous les diplomates des pays francophones ont un rôle à jouer pour que la langue française retrouve sa juste place dans les instances internationales.
L’éducation et la culture sont à la base de tout. La valorisation de la création culturelle, du patrimoine local et artisanal, est un élément fort de l’identité et de l’économie de notre francophonie plurielle. La culture est intimement liée à l’éducation. L’enseignement de qualité passe au préalable par la formation des enseignants et de notre jeunesse. La démographie sera une chance et une opportunité si nous sommes solidairement engagés pour un enseignement qualitatif des formations professorales.
Le renforcement de la démocratie et des droits … s’appuie sur les enjeux liés à la paix, à la démocratie et aux droits de l’Homme. La stabilité des institutions et une gouvernance apaisée permettent d’accélérer le développement économique et humain. L’APF doit aussi se mobiliser contre le scandale des enfants sans identités. Nous ne pouvons rester indifférents face à ce sujet qui a fait l’objet de plusieurs rapports : la question est identifiée, les solutions techniques et numériques sont proposées, mais au-delà du financement, c’est un problème politique, au sens noble du terme. Chaque parlement national les membres de notre institution devrait prendre en compte cette nécessité et légiférer.
La Commission des affaires parlementaires de l’APF s’est d’ailleurs saisie de ce dossier depuis 2015, lié à notre cœur de notre mission : la citoyenneté et la démocratie. Je n’ignore rien pourtant des difficultés culturelles, sociétales, économiques et électorales qui se posent. Mais c’est une question de dignité, de droits humains fondamentaux que d’avoir accès à des registres de naissance obligatoires, gratuits et publics. C’est la base des fichiers électoraux fiables et donc la perspective de voir les risques de conflits électoraux diminuer.
La prévention des conflits et la lutte contre le terrorisme constituent des combats qui nous concernent tous. Nos parlements nationaux ainsi que l’APF sont bien sûr à l’écoute des évolutions du Sahel et attentifs aux solutions que portent le G5 et l’Alliance pour le Sahel. Ces deux mécanismes allient sécurité et développement dans une approche intégrée. La volonté est de renforcer la bonne gouvernance interparlementaire pour renforcer l’appropriation régionale. Je peux vous annoncer aujourd’hui que l’APF organisera une réunion spécifique sur le G5 Sahel en marge de la 73e Assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2018, préalablement à la Conférence interparlementaire de Paris qui aura lieu en décembre à l’invitation du de l’Assemblée Nationale avec le soutien de l’APF et en partenariat avec d l’AFD.
Enfin, la troisième orientation que je souhaite souligner estle développement d’un espace économique inclusif et durable puisqu’il profite aux populations les plus vulnérables.
Contribuer au développement économique, développer l’agriculter et la bio- économie, le numérique et de l’entreprenariat sous toutes les formes revient à faire reculer la misère. L’APF ne peut tout faire seule mais doit renforcer ses partenariats. Nous devons accompagner les innovations : sur l’économie bleue qui a un si grand avenir ; sur le tourisme durable et équitable afin qu’il irrigue jusqu’aux campagnes et permette à tous d’en tirer les fruits ; sur les infrastructures, pour lesquelles l’Afrique exprime un besoin fort d’investissements ; sur les transports également, pour mieux relier nos territoires, du Nord au Sud, du Sud au Nord et du Sud au Sud.
Mesdames et Messieurs,
L’année 2018 nous offre l’opportunité de nous pencher sur le fonctionnement de nos institutions pour les rendre plus lisibles. Dans la continuité de l’action de mes deux prédécesseurs, M. Pascal Terrasse et Mme Michèle André, je me félicite des liens renforcés avec l’Organisation internationale de la Francophonie et qui doivent nous conduire à jouer pleinement notre rôle d’assemblée consultative de la Francophonie. Cet approfondissement des liens avec l’OIF s’est traduit en février dernier par la signature d’un nouveau protocole d’accord de subvention basé sur une meilleure synergie entre nos deux institutions.
Je veux remercier l’Association des Secrétaires généraux des parlements francophones qui s’est réunie parallèlement à nos travaux. Depuis la signature d’un nouveau partenariat, nos relations ont été renforcées, que ce soit pour les missions d’évaluation, les séminaires Senghor ou les cours en ligne, et nous avons toujours pu compter sur leur mobilisation et leur réactivité.
Parce que l’action des secrétaires généraux et des élus est mise en œuvre et soutenue par des équipes, je veux remercier les membres du Secrétariat général de l’APF et saluer les nouveaux arrivants : M. Simon Larouche, conseiller à la CECAC, M. Primaël Ogboni, volontaire international de la Francophonie et M. Thierry Vanel, successeur depuis juillet dernier de M. Didier Le Bot en qualité de secrétaire général administratif.
J’adresse des remerciements particuliers à la section québécoise de l’APF, en particulier à son Président, M. Chagnon, ainsi qu’à l’ensemble des fonctionnaires de l’Assemblée nationale qui ont œuvré depuis plusieurs mois à la préparation de notre Session.
Je ne saurais vous exprimer tout le bonheur et la fierté qui sont les miens d’œuvrer avec vous au développement de la Francophonie parlementaire, ce vivier d’échanges, de coopération et de solidarité. Notre assemblée ouvre le chemin de l’écoute, renforce le lien social et prône le dialogue et le respect des valeurs qui nous rassemblent. Comme le disait l’un des pères fondateurs de la francophonie, Habib Bourguiba, « La langue française constitue l’appoint à notre patrimoine culturel, enrichit notre pensée, exprime notre action, contribue à forger notre destin intellectuel et à faire de nous des hommes – et j’ajouterai des femmes – à part entière »
Et ce n’est pas un hasard si l’appétence de francophonie dans le monde se traduit par des demandes accrues d’adhésion à l’OIF mais aussi à l’APF… Je pense aux parlements du Mexique, du Kosovo et d’autres sont à venir. Dans un monde instable où les alliances d’hier volent en éclat, et où le multilatéralisme est fragilisé par certains Etats, nous, la francophonie, attirons de nombreux peuples. Profitons de cette attractivité pour rendre notre communauté (linguistique, politique, culturelle et économique) encore plus dynamique et adaptée aux attentes de ces peuples.
Madame la Secrétaire générale, Excellences, Mesdames et Messieurs, l’APF remettra aux chefs d’État et de gouvernement un avis sur le « vivre ensemble » au sommet d’Erevan.
Ce « vivre ensemble » n’est pas qu’un slogan politique ou intellectuel mais un concept opératoire pour cheminer vers la concorde sociale. Dans un monde menacé par les réflexes de fermeture, l’instrumentalisation des peurs, l’érection des murs et des barbelés, face à des êtres humains fuyant la guerre ou la misère, regardons les choses en face : la différence n’est pas perçue comme un atout dans la plupart de nos sociétés.
Aujourd’hui, la différence suscite l’indifférence, sinon la défiance ou la violence.
Plus qu’ailleurs, en francophonie, nous devons dire et répéter que seule la diversité est porteuse de démocratie, de paix et donc de vivre ensemble.
Et même si la tâche est immense, n’ayons pas peur de l’affronter avec détermination.
La Francophonie doit nous aider à construire jour après jour ce chemin de paix et d’émancipation, particulièrement pour les jeunes et pour les femmes. Avec les valeurs de solidarité, de liberté et de diversité qu’elle véhicule, la francophonie est notre dénominateur commun, notre ADN. Nous sommes condamnés à vivre ensemble comme des frères et sœurs… pour ne pas vivre comme des idiots, comme le disait le pasteur Martin Luther King.
Alors, frères et sœurs francophones, mobilisons-nous, dans la concorde, pour bâtir un monde meilleur !