Petit déjeuner 8 septembre : De Jean de La Fontaine à Léopold Sédar Senghor : «Diversité est ma devise» l’Universalité notre horizon»

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Mon allocution

Monsieur l’ambassadeur de Roumanie, président du Groupe des Ambassadeurs francophones en France, Cher Luca NICULESCU

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, 

Mesdames et Messieurs les représentants des corps consulaires, 

Mesdames et Messieurs les acteurs de la charte de la Francophonie

Monsieur Paul de Sinety, Délégué général à la Langue de France et des langues de France,

Mesdames et Messieurs présidentes et Président des associations francophones, 

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs élus, 

Mesdames et Messieurs, les administrateurs de l’APF et de l’Assemblée nationale, 

Monsieur Hamidou Sall, poète et écrivain, ancien conseiller spécial d’Abdou Diouf ;

Monsieur Romuald Fonkoua, professeur de littérature francophone à l’université Paris-Sorbonne et directeur du Centre international d’études francophones ;

Monsieur Patrick Dandrey, agrégé de l’Université et docteur d’État ès lettres (Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris III), membre de la Société Royale du Canada (Académie des Arts, Lettres & Sciences humaines), professeur à la faculté des Lettres de Sorbonne Université, Président des Amis de Jean de La Fontaine;

Mesdames messieurs en vos titres et qualités,

Chers amis francophones,

C’est un véritable plaisir de vous accueillir, une nouvelle fois, à Paris, après le Ranelagh, l’Académie française, la Monnaie de Paris et ici à l’Assemblée nationale pour la deuxième fois en quelques semaines. Le 8 juillet en effet, Monsieur le président de l’Assemblée nationale dévoilait le timbre Jean de La Fontaine à l’Hôtel de Lassay.

D’abord en tant que député de la 5ème circonscription, terre natale de Jean de La Fontaine, mais bien évidemment aussi en qualité de Secrétaire général parlementaire de l’APF, première institution de la Francophonie créée à l’initiative de Léopold Sédar Senghor, en lien avec ses homologues tunisien, Habib Bourguiba et nigérien, Hamani Diori, ainsi que le Prince Norodom Sihanouk du Cambodge  et de la naissance de l’assemblée constitutive de l’Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF).

L’APF regroupe aujourd’hui 90 parlements sur les 5 continents.

Vous le savez, cet événement s’inscrit à l’occasion du 400ème anniversaire de la naissance de Jean de La Fontaine à Château-Thierry, mais aussi dans le cadre la commémoration du 20ème anniversaire de la mort de Léopold Sédar Senghor. Il est né à Joal en 1906 au Sénégal et mort le 20 décembre 2001 à Verson en France. Il était député, homme d’Etat français, premier président de la République sénégalaise mais aussi écrivain, poète et académicien. 

Jean de La Fontaine et Senghor, deux poètes engagés, philosophes politiques, sont entrés dans l’histoire pour de multiples raisons mais pour nous, amoureux des lettres, du livre et de la langue française, mais aussi militants de la Francophonie, c’est surtout parce qu‘ils portaient les idées de diversité et d’universalité.  Diversité et universalité ont été le fil rouge de tous nos événements organisés dans le cadre du 400ème anniversaire de la naissance de Jean de La Fontaine. Et aujourd’hui la présence de Senghor renforce la dimension internationale et universelle de notre réflexion.  Et c’est sans doute pourquoi vous êtes aussi nombreux à avoir accepté notre invitation.

Votre participation témoigne aussi de votre curiosité intellectuelle en découvrant ce rapprochement audacieux entre ces deux illustres personnalités que 4 siècles séparent. Et puis, excusez-moi du peu !  Réunis, ici, dans la salle Victor Hugo, lui également, poète, écrivain et parlementaire qui affirmait : « Dans ma pensée, Les Misérables ne sont autre chose qu’un livre ayant la fraternité pour base et le progrès pour cime ».  Il portait aussi la volonté d’un monde ouvert et solidaire. 

Ouverture sur les autres et solidarité c’est tout l’enjeu de ma démarche politique depuis plus de 40 ans, d’abord dans la 5ème circonscription de l’Aisne, puis à l’Assemblée nationale et depuis 2018 au sein de l’APF. 

Vous comprenez alors pourquoi l’ombre du fabuliste m’a toujours accompagné et combien les valeurs humaines de ses morales ont guidé mon action politique : le goût du travail, la solidarité envers les plus faibles, la coopération nécessaire à la réussite de chacun, le respect des hommes et de la nature… 

C’est pourquoi, au-delà des événements institutionnels et des moments festifs organisés depuis juin dernier pour célébrer le 400ème anniversaire de sa naissance qui nous ont menés sur les traces de Jean de La Fontaine de Château-Thierry à Paris pour rapprocher le rat de ville et le rat des champs ; de la qualité et l’originalité des fables, il me semble surtout important de rappeler et d’insister sur les messages politiques et sociaux que Jean de La Fontaine et Léopold Sédar Senghor nous délivraient. Et c’est parce qu’ils sont plus que jamais d’actualité, dans ce monde indécis, qu’il nous apparait essentiel de rappeler ces fondements : diversité, universalité et solidarité sont toujours d’actualité. 

La lecture de fables choisies, en français et dans leur langue d’origine, par les 17 ambassadeurs francophones le 4 juin dernier, aux caves Pannier à Château-Thierry en témoigne très largement.  Ce fut un moment suspendu au cours duquel la politique a épousé la finesse et la précision de la poésie. 

Parce que c’est bien évidemment le goût des mots qui rapproche d’abord les deux poètes. Ils restent des créateurs de langage mais aussi de rythmes et d’harmonies. 

Mais c’est aussi bien évidemment l’amour de la langue française qui les réunit ou « L’art de le bien dire », pour reprendre le titre de l’exposition consacrée à Jean de La Fontaine à la bibliothèque de l’Assemblée nationale depuis le 22 juin dernier. Je vous invite à aller la visiter à l’issue de notre conférence.

Ces deux poètes devenus chacun des immortels, à 400 ans d’intervalle, vouent finalement un culte à l’art de la nuance et au goût de la finesse. Senghor trouvait d’ailleurs dans le français « l’ordre logique dans la clarté et la précision dans la nuance ».

Finalement, leur passion des mots relève de la poésie mais ce qu’ils expriment poétiquement s’articule autour d’enjeux politiques et sociaux.

Par l’intermédiaire de la langue française, ils communiquent, façonnent et structurent le monde dont ils rêvent. 

La Francophonie telle que la dessinait Senghor, n’est rien d’autre que le fruit d’un long cheminement culturel, intellectuel, politique et certainement aussi philosophique.

Elle dessine les contours d’un nouvel ordre mondial fondé sur le respect de la diversité culturelle et linguistique pour tendre vers l’universalité des droits humains et de la planète. 

Le respect de la diversité culturelle et linguistique qui paraissait louable mais utopique dans le cadre d’une mondialisation vouée à l’uniformisation de la pensée véhiculée par une seule langue n’est plus aujourd’hui un vœu pieux. 

Le processus historique est d’ailleurs enclenché et la diversité devient une des premières préoccupations au même titre que l’eau ou l’énergie. Elle est d’ailleurs apparue, en 2002, au sommet de Johannesburg comme le « quatrième pilier » du développement durable sous l’influence de l’Unesco et l’OIF. 

La diversité culturelle est en effet l’essence même de l’universalité. Les deux se répondent, s’assurent mutuellement. 

Les différences ne sont plus considérées comme un frein ou un danger mais au contraire comme une richesse au développement de l’universel.  Elle permet d’amener la participation à la communauté humaine de chaque individu.

La crise sanitaire que nous traversons l’illustre parfaitement.

Nous sommes tous liés à un destin mondial et la question de l’altérité est au centre de notre survie individuelle et collective. Voilà pourquoi l’APF réclame une distribution universelle et équitable des vaccins contre la Covid-19 et exhorte les chefs d’États et de gouvernements à s’engager pour faire de ces vaccins des « biens communs universels ».

Promouvoir la diversité linguistique et culturelle pour tendre vers l’universalité passe bien évidemment par condamner l’uniformisation du monde et l’hégémonie de l’anglais dans les institutions régionales et internationales.  

La promotion de la langue française et du multilinguisme est un enjeu politique majeur.

 La prochaine présidence de l’Europe par la France nous offre une opportunité unique pour rétablir l’équilibre linguistique qui s’est rompu ces dernières années au profit de la langue anglaise.

Il est grand temps de réaffirmer la diversité des 19 pays de l’Union européenne, membres ou observateurs de l’Organisation Internationale de la Francophonie qui revendiquent le multilinguisme, non seulement en Europe mais aussi dans le monde ! 

Cela permettrait aussi d’engager la mondialisation vers une troisième voie, celle du respect des aires linguistiques pour mettre enfin en place un cadre de dialogue efficient au sein de la communauté internationale puisque le multilatéralisme est indissociable du multilinguisme. 

C’est aussi par la promotion de langue française que nous réussirons à créer un véritable sentiment d’appartenance à la communauté́ francophone. 

La future cité internationale de la Langue française à Villers-Cotterêts qui sera inaugurée en 2022 porte en son sein cette ambition. 

Rappelons-nous ! Par l’ordonnance de 1539 de François Ier, la langue française a permis l’unité de la nation française, elle est aussi devenue, par la suite, « cet outil merveilleux » selon Senghor qui a permis non seulement de tisser un lien humaniste à travers la terre mais aussi d’exalter les droits de l’Homme.  

Encore faut-il mener une politique forte avec des moyens conséquents à la formation du et en français dans le cadre des politiques éducatives des pays mais en n’oubliant jamais que, ce qui caractérise l’espace francophone, c’est « l’addition des langues et des cultures » pour citer le romancier guadeloupéen, Daniel Maximin. 

Les politiques publiques en matière d’éducation mises en œuvre dans tous les pays de l’espace francophone devraient davantage prendre en compte la réalité linguistique, culturelle et familiale

Rappelons-nous : Léopold Sédar Senghor, dès l’indépendance, s’il a toujours souhaité s’appuyer sur la langue et la culture françaises, préconisait aussi déjà le retour aux sources, au respect et à la valorisation des langues négro-africaines avec le français en tant que langue officielle en s’appuyant sur l’idée de « négritude » chère à Aimé Césaire.  Il avait créé le concept de multilinguisme. 

C’est pourquoi, réduire la langue française à sa dimension hexagonale, c’est la rendre totalement inapte à l’expression identitaire de chacun des pays francophones, et la condamner à très court terme à n’être qu’une langue parlée par un petit nombre de locuteurs.

Le français est par essence pluriel. La culture francophone qu’elle soit chantée, parlée ou écrite, s’enrichit continuellement d’un phrasé, d’un rythme et de sources d’inspiration diverses et variées de tous les continents. Et surtout, comme l’expriment les linguistes, elle est avant tout une ouverture à l’autre et tisse des liens qui nous rapprochent aussi de l’universalité. 

Mais la bataille se situe aujourd’hui aussi sur internet, cet espace interplanétaire où la diversité culturelle et linguistique est réellement menacée. C’est aujourd’hui un enjeu essentiel pour la souveraineté des États mais aussi pour la civilisation.  Quelle civilisation voulons-nous ? une civilisation de liberté, de créativité et de solidarité.

Je suis convaincu que c’est par la mobilisation de la société civile et la réaffirmation de nos fondamentaux, la promotion de la langue française et le multilatéralisme que nous répondrons avec enthousiasme aux défis qui sont devant nous.

Ce petit déjeuner est loin d’être anodin. Certes, il est l’occasion de reparler de poésie, de littérature, d’analyser les œuvres de La Fontaine et Senghor. Ce qui n’est déjà pas mince.  Mais pour moi, élu, parlementaire, c’est avant tout de reprendre la dimension politique de leurs écrits : la nécessité de la diversité tout comme la nécessité de l’universalité sont des enjeux politiques essentielles pour faire émerger un monde de solidarité et de fraternité.

C’est pourquoi, plus que jamais, nous devons nous opposer à toutes les hégémonies et plus particulièrement à l’hégémonie linguistique. Jean de La Fontaine et Léopold Sédar Senghor nous invitent à la mobilisation. C’est en s’engageant que nous leur rendons hommage et c’est le sens de ces rendez-vous. 

Vive Jean de La Fontaine, 

Vive Léopold Sédar Senghor 

Vive la diversité 

Vive l’Universalité 

Vive la Francophonie