Ne pas cofondre collaboratif et partage

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Je suis intervenu lors du débat sur l’économie collaborative en demandant ce que le gouvernement comptait mettre en place pour que les consommateurs puissent faire la distinction entre économie collaborative et économie sociale et solidaire. En effet, se développant sur les mêmes codes de partage, les buts recherchés par l’un ou l’autre sont pourtant opposés. De plus, j’ai demandé à ce que la fiscalité appliqué soit la même pour les deux afin de ne pas faire profiter un système qui, finalement, détruirait davantage d’emplois qu’il n’en créerait.

L’intervention en vidéo :

Le compte-rendu des débats :

Catherine Vautrin, présidente – La parole est à M. Jacques Krabal.

Debut de section – PermalienPhoto issue du site de l’Assemblée nationale ou de Wikipedia
Jacques Krabal – Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, ma question s’inscrit dans la continuité de celle de Stéphane Claireaux.

L’économie collaborative bouscule les pratiques économiques et sociales des citoyens. La révolution numérique met à la portée de l’individu un marché à la fois local et global. Elle multiplie, de manière exponentielle, ses capacités d’échanges sociaux mais aussi lucratifs.

Ce progrès rencontre un succès important. Il s’inscrit dans un contexte où les formes d’emploi indépendant à titre principal ou complémentaire sont encouragées par une conjoncture peu favorable à l’emploi sous statut salarié.

Les questions de la fiscalité ont été récemment posées par l’actualité avec Uber. On connaît la puissance et surtout la rapidité avec laquelle ces intermédiaires s’imposent. Ils perturbent des secteurs entiers par la captation d’une ressource en lieu et place des charges assumées par les entrepreneurs qui ne sont pas, pour leur part, « libérés » de leurs obligations réglementaires, économiques, sociales et fiscales.

L’économie collaborative entretient un certain nombre de confusions avec des formes plus anciennes d’échanges non lucratifs qui poursuivent, elles, des finalités de partage ou de défense d’intérêts collectifs. Il apparaît donc urgent de lever certaines ambivalences entre l’économie collaborative et l’économie sociale et solidaire.

Les démarches de coopération économique qui se développent dans les territoires pour restaurer le tissu économique local s’appuient sur l’implication des citoyens, et des acteurs politiques et économiques. Dans ma circonscription, les exemples ne manquent pas : boutique solidaire avec Yaka demander, ressourceries, AMAP – association pour le maintien d’une agriculture paysanne –, friperie sociale avec Le Relais, ou encore PATS – projets et actions pour des territoires solidaires. Toutes ces structures visent à remédier aux effets environnementaux, économiques et sociaux d’une économie ultralibérale reposant sur la seule rentabilité financière. Ces démarches de coopération se construisent dans des logiques de filières, se structurent en circuits courts et visent des enjeux qui dépassent les seuls intérêts économiques.

La révolution numérique est un défi qu’il faut réguler et clarifier dans la lisibilité, avec une stratégie offensive de reconquête d’une économie plus humaine. Où en sont les dispositions prises pour caractériser la nature lucrative ou non lucrative des transactions opérées par les intermédiaires des plateformes collaboratives et pour appliquer les réglementations juridiques et fiscales en conséquence ? Comme l’écrivait Jean de La Fontaine dans la fable Le Lion et le Rat : « Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde ».

Catherine Vautrin, présidente – La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Martine Pinville, secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire – Monsieur le député, vous m’interrogez en réalité sur la nature fiscale des transactions générées par l’économie collaborative. Cette question qui emporte le régime d’imposition auquel les revenus sont soumis est, je l’ai dit, celle de la frontière entre ce que l’on peut appeler le partage des frais et un revenu, c’est-à-dire entre une activité qui ne génère pas de surplus et celle qui dégage une rentabilité. C’est toute la différence entre l’économie de partage, de faible rémunération et qui s’appuie sur l’échange de services et de biens entre particuliers, comme dans le cas de BlaBlaCar, que j’évoquerai à nouveau, et l’économie de services, qui s’appuie sur des services en ligne générateurs de revenus conséquents et dont Uber est un exemple pour le transport de personnes.

Le rapport Terrasse nous recommande de clarifier ces définitions qui sont le préalable à une meilleure information des usagers des plateformes sur leurs droits et devoirs fiscaux. La diversité des situations et des modèles économiques développés par les plateformes ne peut se résumer en un critère ultra-simplifié. Aussi la méthode indiquée par le secrétariat d’État chargé du budget me semble-t-elle être la bonne. La doctrine doit être clarifiée par grandes masses ou par cas particuliers, et vulgarisée pour être comprise et appliquée par chaque plateforme et chaque usager. C’est là, je crois, qu’est tout l’enjeu et c’est le prérequis pour une bonne application des mesures d’information des usagers concernant les plateformes notamment.

C’est aussi le prérequis pour la question qui se pose ensuite, celle de la transmission automatique des informations relatives aux revenus. Une telle mesure pourrait lever les suspicions au sujet du respect des règles de déclaration fiscale et limiter les risques de fraude. Mais elle ne sera possible qu’à condition d’avoir clarifié les règles au préalable.

La méthode est donc claire : l’enjeu est de rendre nos règles lisibles, mais aussi adaptées à la diversité des situations économiques.