Le “droit d’option” en séance publique

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Comme je l’avais déjà signalé en commission des lois le 4 mars 2015, j’ai tenu a rappeler l’objet du “droit d’option”. Cette proposition de loi n’a pas pour objet de remettre en cause le vote exprimé par la majorité gouvernementale il y a deux mois à peine. Il ne s’agit pas non plus de réengager une quelconque guerre, voire une guéguerre, pardonnez l’expression, au sein de notre assemblée ou dans les nouvelles régions. Il s’agit plutôt de prendre en compte les difficultés apparues dans le cadre des débats précédents et de les aborder avec sérénité.

L’intervention en vidéo :

Le compte-rendu des débats :

Madame la présidente, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, mes chers collègues, cette deuxième proposition de loi du groupe RRDP vise à assouplir le mécanisme dit du « droit d’option départemental », modifié par l’article 3 de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, qui permet à un département de quitter sa région d’origine pour rejoindre une région contiguë.

Je veux le dire ici avec force et détermination : non, cette proposition de loi n’a pas pour objet de remettre en cause le vote exprimé par la majorité gouvernementale il y a deux mois à peine. Il ne s’agit pas non plus de réengager une quelconque guerre, voire une guéguerre, pardonnez l’expression, au sein de notre assemblée ou dans les nouvelles régions. Il s’agit plutôt de prendre en compte les difficultés apparues dans le cadre des débats précédents et de les aborder avec sérénité.

Pourquoi réengager le débat alors que l’encre était à peine sèche, m’a-t-on demandé ? Parce que nous, législateurs, devons tendre vers des textes susceptibles d’être acceptés et partagés par le plus grand nombre de citoyens. Telle est la conception du groupe RRDP. Quand un texte, que son vote remonte à quelques jours ou à plusieurs années, peut être encore amélioré, pourquoi se priver de cette perspective ? D’autant qu’il s’agit ici non pas d’une révolution, mais bien d’une évolution à la marge, qui ne concernerait que quelques départements.

En effet, moins d’une dizaine d’entre eux seraient en réalité concernés par un éventuel rattachement à une autre région que leur région d’origine. Tout le monde pense, bien sûr, à la Loire-Atlantique, mais on peut également citer le Gard, la Lozère ou bien évidemment l’Aisne, que je connais particulièrement. Comme vous le savez, les populations de ces départements n’ont pas été consultées, pas plus que leurs élus d’ailleurs, sur le choix du rattachement de leur département.

Vous m’objecterez, à juste titre, que ce fut également le cas pour les autres. Cependant, puisque ces territoires silencieux semblent d’accord avec le texte proposé, sollicitons donc avec une autre méthode les seuls territoires où cela pose problème. En revanche, il faut oeuvrer sans chercher à imposer arbitrairement un choix plus qu’un autre. Pour ma part, je refuse en effet de faire à d’autres ce qui nous est fait. Pour éviter ces regroupements ou fusions arbitraires, sources de frustration et d’incompréhension, nous devons, nous, les élus, tout faire pour que la décision arrêtée puisse être acceptée. Et c’est grâce à la consultation tant des élus que des habitants concernés que nous y parviendrons.

Respecter la démocratie représentative, favoriser la démocratie participative sont les ingrédients pour retrouver la confiance de nos habitants. Faute d’avoir pris en compte ces deux éléments, le vote des élus ou le vote des habitants, cette loi sera telle qu’elle est à présent : entachée d’une forme de déni démocratique. Voilà pourquoi, afin de faire vivre plus fortement la démocratie, je vous enjoins à faire du droit d’option un véritable droit de choisir.

Il est encore temps, mes chers collègues : mettons de côté les postures, les petits calculs, soyons à l’offensive, car rien ne devrait nous arrêter quand il s’agit de faire progresser la démocratie, tellement malmenée aujourd’hui.

Cette proposition de loi a donc simplement pour ambition d’améliorer l’efficacité du mécanisme du droit d’option départemental, en remplaçant la condition de majorité requise, à savoir les trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les trois assemblées délibérantes concernées, par la majorité simple. Elle fait ainsi confiance aux élus locaux.

Il faut en effet rappeler que si nous avons modifié la procédure de changement de région d’un département, introduite à l’article L. 4122-1-1 du code général des collectivités territoriales par l’article 27 de la loi du 16 décembre 2010, c’est parce que, en raison de sa complexité, cette procédure n’avait jamais été mise en oeuvre. Respectueux du droit comme nous le sommes, évitons de nous appuyer sur des miroirs aux alouettes, cela ne ferait qu’empirer les choses.

Pour mémoire, je vous rappelle que pour permettre à un département de rejoindre une autre région contiguë, le droit en vigueur impose trois conditions : l’inscription à l’ordre du jour du projet de rapprochement dans chacune des trois assemblées à la demande d’au moins 10 % de leurs membres ; une délibération concordante des trois assemblées concernées ; l’organisation d’un référendum dans le département et les deux régions concernées aboutissant à un accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des inscrits.

Cette procédure extrêmement lourde a été profondément modifiée à la suite de longs débats parlementaires à l’Assemblée nationale comme au Sénat, qui ont abouti à l’abandon de toute condition référendaire et à la subordination du changement de région d’un département aux délibérations concordantes des trois assemblées à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. La majorité gouvernementale a notamment tenu à maintenir le consentement de la région de départ et a limité dans le temps cette nouvelle procédure, qui ne pourra être mise en oeuvre qu’entre le 1er janvier 2016 et le 1er mars 2019. Avant le 1er janvier 2016, c’est la procédure en vigueur qui s’applique.

Notre proposition de loi ne vise pas à remettre en cause cette nouvelle procédure, qui constitue un premier pas en avant. Comme je vous l’ai dit précédemment, ce n’est pas une révolution. Bien que je sois attaché à la démocratie participative et à l’initiative citoyenne, elle ne réintroduit pas de condition référendaire. En outre, elle maintient la nécessité d’obtenir l’accord de chacune des trois assemblées concernées, car il ne nous paraît pas raisonnable de faire l’impasse sur l’accord de la région de départ, touchée au premier chef par la modification des limites régionales résultant du droit d’option. Enfin, elle ne remet pas en cause le délai de trois ans prévu par loi du 16 janvier 2015, car il faut bien fixer une fois pour toutes les limites territoriales des futures régions françaises et veiller à ce qu’elles ne soient pas modifiées au gré des changements politiques locaux.

En revanche, conformément à de nombreux souhaits émis sur tous les bancs, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, notre proposition de loi vise à améliorer l’efficacité de cette procédure en simplifiant la condition de majorité requise, par le passage de la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés à la majorité simple. Cette simplification de la condition de majorité serait le signe d’un renforcement de la confiance accordé par le Gouvernement et le Parlement aux élus locaux pour assumer des choix importants. Ce droit d’option serait ainsi un vrai droit de choisir.

J’observe d’ailleurs que le Gouvernement s’est exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet lors des débats parlementaires, s’en remettant sur tel ou tel amendement à la sagesse du Sénat ou de l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, avant de se rallier, en nouvelle lecture, à l’équilibre global du projet de loi auquel était parvenu le rapporteur. Toutefois, dans la mesure où notre proposition de loi ne remet pas en cause cet équilibre global, j’espère que la position du Gouvernement et de la majorité pourra évoluer.

En ce sens, je vous proposerai d’ailleurs un amendement qui vise à responsabiliser davantage les élus départementaux et régionaux en précisant que ce droit d’option ne pourra être exercé qu’une seule fois. Il s’agirait donc d’une évolution des limites régionales sans retour en arrière possible, décidée à la majorité simple dans chacune des trois assemblées délibérantes.

Ce droit d’option unique pourrait en revanche être mis en oeuvre sans limitation de durée, c’est-à-dire au-delà du 1er mars 2019, si les collectivités concernées ne l’ont jamais exercé. Cette proposition inciterait ainsi les élus à bien peser les avantages et les inconvénients d’une telle réforme territoriale, avant de pouvoir la mettre en oeuvre plus facilement que ne le prévoit la loi du 16 janvier 2015.

Je tiens également à vous préciser la philosophie qui guidera ma position concernant les autres amendements déposés sur cette proposition de loi, s’ils venaient à être débattus.

En premier lieu, il me semble totalement inopportun de soumettre à un référendum national un projet de rattachement d’un département à une autre région, car les enjeux liés à un tel rapprochement sont strictement locaux et concernent au tout premier chef les élus et les habitants des départements et régions concernés. Nous savons tous que dans les référendums nationaux, les électeurs ne répondent pas seulement à la question posée. Ce n’est pas le cas pour les consultations locales.

En deuxième lieu, je suis opposé à toute modification du dispositif adopté le 16 janvier 2015 consistant à supprimer purement et simplement la possibilité pour la région d’origine, souvent appelée région de départ, d’exprimer son avis sur le projet de raccrochement d’un de ses départements à une autre région, tant pour des raisons constitutionnelles que politiques. En effet, de tels amendements m’apparaissent incompatibles avec le respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Je serais davantage favorable à l’instauration d’une procédure de consultation de la population dans le département envisageant le rapprochement avec une autre région, au besoin par le biais d’un référendum d’initiative citoyenne. Dans cette hypothèse, si la population concernée se prononce majoritairement en faveur du rapprochement, il me paraîtrait difficile pour la région d’origine de s’opposer à la volonté de ses propres citoyens. Il serait alors envisageable de ne la consulter que pour avis et de se passer de son consentement le cas échéant.

En dernier lieu, si le groupe socialiste et le Gouvernement s’opposaient à la poursuite du débat sur cette proposition de loi, ce qui n’est pas impossible, si la motion de rejet préalable était adoptée, je veux leur dire que ce n’est pas ainsi que nous réglerons ce qui n’est pas un problème personnel ni une question mineure, mais bien une question de fonctionnement de notre démocratie. C’est pourquoi il ne fait aucun doute que le sujet reviendra encore et encore sur les bancs de l’Assemblée nationale ou du Sénat.

Comme l’écrivait Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, dans la fable Le renard et le bouc : « En toute chose il faut considérer la fin ». Ne vous méprenez pas, mes chers collègues, la finalité de cette proposition de loi est d’améliorer le fonctionnement de la démocratie en prenant en compte l’avis des élus et des citoyens. Aujourd’hui, à la veille des élections départementales, face à la montée des populismes et de l’abstention, a-t-on bien pris en compte cette nécessité d’écouter d’avantage les citoyens ? N’ayons pas peur du peuple ! À force de ne plus écouter nos citoyens, ne soyons pas étonnés qu’ils ne nous entendent plus.