Commémoration de l’appel du 18 juin

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“Soldats tombés dans les déserts, les montagnes ou les plaines; marins noyés que bercent pour toujours les vagues de l’océan; aviateurs précipités du ciel pour être brisés sur la terre; combattants de la Résistance tués aux maquis et aux poteaux d’exécution. Votre exemple est aujourd’hui la raison de notre fierté. Votre gloire sera, pour toujours, la compagne de notre espérance”. C’est par ces mots du Général de Gaulle que j’ai conclu le discours prononcé à l’occasion de la commémoration de l’appel du 18 juin à Château-Thierry.

Retrouvez l’intégralité du discours ici :

Discours de Jacques KRABAL 18 juin 2014

 

Madame la Sous-préfète,

Monsieur le Président du Comité d’entente des Associations patriotiques d’anciens combattants de Château-Thierry,

Monsieur le Président des Médaillés Militaires,

Madame la Présidente de la Légion d’Honneur,

Monsieur le Président de l’Association « Les oubliés de la Mémoire »,

Monsieur le Président des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation,

Monsieur le Président de l’ANACR,

Madame la déléguée de l’ANACR,

Messieurs les Présidents des associations d’Anciens Combattants,

Mesdames, Messieurs, les Porte-drapeaux,

Monsieur le capitaine, commandant la compagnie de Gendarmerie,

Monsieur le Commandant du Commissariat,

Monsieur le Capitaine des Sapeurs-pompiers,

Madame la Conseillère Générale, Présidente de la Communauté des Communes de la Région de Château-Thierry,

Mesdames, Messieurs les élus en vos diverses qualités,

Monsieur le Président de l’Union Musicale,

Mesdames, Messieurs, chers amis

Ce soir, nous sommes réunis pour commémorer l’appel du 18 juin 1940, lancé par le général de Gaulle sur les ondes de la BBC. C’est également l’occasion de rendre hommage à tous ces combattants de la libération, à tous ces résistants, connus ou anonymes, à toutes ces femmes et tous ces hommes, torturés, fusillés, déportés. Oui rendre un hommage solennel à tous ces Héros qui ont répondu présents à l’appel.

Cet appel, lancé par un militaire, inconnu mais au ton déterminé, a su faire vibrer le cœur des Français, a su leur donner une lueur d’espoir, a su rendre la confiance à une France effondrée : « la France n’est pas seule. Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! » Cet appel sonne comme une affirmation, une révélation : la France n’est pas morte, elle doit se relever de la défaite. C’est un appel à la désobéissance. Ainsi désobéir devient un devoir quand l’histoire s’impose à vous et que l’honneur de la patrie est mis à mal.

Cette année est particulière puisque nous fêtons le 70ème anniversaire de la libération de la France contre l’occupant nazi. Des hommes, des femmes, guidés par l’indignation et la fierté, se sont battus avec passion pour retrouver l’espérance, pour la liberté et la chute du Reich. Grâce à eux, notre pays a pu se tenir alors aux côtés des vainqueurs. Saluons l’esprit de résistance et l’engagement héroïque de nombre de nos compatriotes au nom des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité !

Le geste ouvert avec l’appel lancé le 18 juin 1940 par le général de Gaulle, poursuivi par la résistance intérieure et par les forces françaises libres, s’est conclu au prix d’immenses sacrifices et avec le concours décisif de nos alliés, par la Libération du sol de la patrie et la victoire de la démocratie. La Résistance, cela a d’abord été une lutte quotidienne contre les oppresseurs : « une guerre particulièrement dure, ­[une] guerre clandestine, [une ] guerre sans armes, [… une] guerre jusqu’à ce que la souveraineté de chaque pouce du territoire français soit rétablie ». A Bayeux, le 14 juin 1944, dans une des premières villes libérées, le général de Gaulle exhorte les Français à poursuivre le combat « aux côtés des Alliés, avec les Alliés, comme un allié. » Il pose ainsi les jalons du futur gouvernement provisoire et dissuade alors les Etats-Unis de la placer sous leur administration.

Face à l’occupant, rapidement un esprit d’indignation et de fierté ont permis de combattre et de gagner : la résistance, quelque peu désorganisée au début, s’est rassemblée au sein du conseil national de la résistance (CNR) en 1942. Le programme d’action de cette instance, plus connu sous le nom de « les jours heureux », comprend à la fois un plan d’action immédiat pour la résistance et des mesures à appliquer dès la Libération. Une fois le territoire libéré, le conseil national de la résistance (CNR) a souhaité rétablir la France dans sa puissance et fonder une République nouvelle faisant fi de la corruption et de la trahison du régime de Vichy.

Le programme du CNR a posé les bases de l’Etat providence en adoptant:

–      non seulement des mesures politiques (rétablissement de la démocratie, suffrage universel, liberté de la presse),

–      des mesures économiques (nationalisations)

–      mais aussi des mesures sociales (plan complet de sécurité sociale, réajustement des salaires, rétablissement d’un syndicalisme indépendant, retraite par répartition, instruction gratuite).

Au-delà de cet héritage des acquis sociaux, la France libre, la Résistance et le général de Gaulle nous ont légué une éthique, une façon de concevoir le rôle de notre pays dans le monde et les limites à ne pas transgresser. Bâtisseur d’une France libre, digne et engagée, d’un Etat protecteur aux institutions stables, de Gaulle nous a transmis de grands principes qui devraient guider l’action politique d’aujourd’hui : une conception de la démocratie gravée dans le marbre de la Vème République, une volonté d’indépendance de la France mais sans repli sur soi, une gestion rigoureuse de l’Etat, une exemplarité des hommes politiques à l’exact contraire des affaires qui secouent trop régulièrement le monde politique et entraîne la défiance des citoyens avec les conséquences ravageuses des dernières élections européennes. Ce séisme Ce séisme est un avertissement sévère pour la classe politique qu’il s’agit d’entendre. Nous comprenons l’amertume et la désillusion d’une partie de nos concitoyens face à l’état de l’Europe aujourd’hui et sommes conscients qu’il faudra tirer les conséquences d’un tel résultat. Il apparait donc nécessaire  de rechercher une union nationale des forces démocrates et républicaines afin de refuser le repli identitaire, la régression morale et le danger économique et social qui caractérisent le programme du Front national.

En ce jour du 18 juin 2014, souvenons-nous de cet héritage et prenons le temps de nous recueillir, de puiser dans notre passé pour nous ouvrir aux autres, pour construire notre avenir.

Chaque jour, on mesure la nécessité de rappeler la vérité des faits historiques dans sa globalité sans en masquer les parties sombres et de transmettre nos valeurs démocratiques et humanistes.

Ce travail de mémoire participe pleinement de la formation de l’homme et de la conscience du citoyen. Elle préserve de la superficialité en donnant au jugement le recul et la profondeur nécessaires. Que l’occasion me soit donnée de saluer l’engagement des historiens locaux, des passeurs de mémoire et bien évidemment des professeurs. Aussi ai-je une pensée émue pour Catherine Digard pour qui la transmission du savoir était un formidable levier d’action permettant de combattre les injustices. Je saluerai également la mémoire d’un grand homme qui a beaucoup œuvré pour notre ville et pour le territoire du sud de l’Aisne : j’ai nommé Pierre Lemret qui a mené des combats pour plus de justice sociale, pour un service public pour tous et pour l’égalité.

Il y a peu, le 27 mai dernier, nous remettions des prix aux collégiens et aux lycéens ayant participé au concours national de la résistance et de la déportation. Un tel concours permet à nos jeunes d’éveiller leur conscience aux valeurs de justice, de liberté, défendues par les résistants. Valeurs qui sont plus que jamais au cœur de l’actualité. Plus que jamais fragilisées.

Bien sûr, il y aura toujours les livres d’histoire… les reportages… les archives… les conférences pour nous rappeler la fragilité de nos libertés et la démesure dont l’homme est capable. Mais au fond, n’y a-t-il pas témoignage plus puissant que celui de jeunes s’appropriant l’Histoire pour en faire eux même l’écho ?

L’Appel du 18 juin 1940 nous enseigne qu’il n’y a pas de fatalité à la soumission. Et que les Hommes peuvent choisir leur destin. Ils le doivent !

Aujourd’hui, plus qu’hier, soyons animé par cet esprit de résistance.

Il nous appartient de lutter contre l’intolérance, les discriminations, de faire front face à la montée des tensions identitaires, racistes. Il nous appartient de sanctionner tous propos injurieux, antisémites, homophobes, xénophobes…

Il nous appartient aussi de combattre pour les libertés car la liberté n’est pas figée, la liberté n’est pas un acquis pour toujours, la liberté évolue : il y a des droits nouveaux à conquérir. Cela pose la question même de la citoyenneté. L’individualisme, l’assistanat et l’attentisme croissants de la société française conduisent à un désengagement civique de la part de nos concitoyens : abstentionnisme électoral fort, dépolitisation. Le citoyen est davantage un engagé critique qu’un engagé participatif. Or la lutte contre le chômage ou contre la pauvreté ne peuvent avoir de sens que s’il y a un engagement des élus d’une part et des citoyens d’autre part.

Cette crise de la citoyenneté pose la question d’instituer un vote obligatoire, comme en Belgique. Je milite pour car en échange de garanties, de prestations assurées par l’Etat, il paraît normal d’accomplir son devoir électoral. Nous devons à tout prix éviter la passivité et le désintérêt grandissant des électeurs. En effet, derrière ce laxisme civique, la menace est trop grande de voir un jour arriver au pouvoir le  parti de la discorde nationale, de la désunion. Ses leaders sont habiles qui font croire qu’ils sont capables de tout, en toute circonstance. Mais en vérité, tout le monde sait qu’aucun général n’a jamais gagné une guerre sans armée. Comme ce qui se passe dans nos Conseils municipaux, il y a loin des discours à la réalité. Tous les élus ne sont pas en capacité d’assumer le mandat qu’on leur a confié. Confusion, incompréhension, lacunes, méconnaissance, ignorance, certains cumulent toutes ces particularités au grand jour. Ne cédons pas à la facilité. Son prix est exorbitant !

Dans le monde actuel traversé de crises, de peurs, mais aussi rempli d’espérance, l’appel du 18 juin 1940 garde toute sa signification : ne pas renoncer, ne pas céder à l’abandon, se battre et faire front collectivement au nom de nos valeurs universelles de justice sociale, d’égalité, tant sur le plan national qu’au niveau européen.

Que de chemin parcouru en 70 ans ! Le traité de l’Elysée et l’amitié franco-allemande, la construction de l’Europe, au-delà des antagonismes, des déchirements engendrés par la guerre. Alors, allons plus loin, battons-nous pour une autre Europe, celle des peuples, de l’harmonisation des critères sociaux. Les idées du CNR peuvent encore servir de boussole.

Je voudrais terminer par les mots du général de Gaulle pour tous ceux dont le dernier souffle se mêla au destin de la France :

“Soldats tombés dans les déserts, les montagnes ou les plaines; marins noyés que bercent pour toujours les vagues de l’océan; aviateurs précipités du ciel pour être brisés sur la terre; combattants de la Résistance tués aux maquis et aux poteaux d’exécution. Votre exemple est aujourd’hui la raison de notre fierté. Votre gloire sera, pour toujours, la compagne de notre espérance”.

Vive la République.

Vive la France.

Vive Château-Thierry et le Sud de l’Aisne.