Une solidarité internationale qui s’appuie sur nos territoires

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En discussions générales sur le projet de loi portant sur la solidarité internationale, je me suis exprimé en faveur des associations de solidarité présentes dans nos territoires. Associations de jumelage, de développement solidaire, d’aide aux pays défavorisés. Elles ne manquent pas et sont dynamiques. J’ai donc souhaité m’exprimer pour qu’elles soient davantage reconnues comme actrices de notre politique nationale de solidarité internationale. D’autre part, j’ai souhaité souligné le rôle de la francophonie dans nos échanges solidaires.

L’intervention en vidéo :

Le compte-rendu de séance :

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Le projet de loi dont nous entamons l’examen, même s’il est en lui-même un véritable événement, revêt pour le groupe RRDP une importance d’autant plus grande qu’il va bien au-delà du développement et de la solidarité internationale. Il va au-delà d’une rénovation pour lutter contre la pauvreté et pour la préservation de la planète. Il représente pour nous un souffle de solidarité et d’ambition, une véritable respiration de notre système démocratique et républicain. En effet, un texte réaffirmant l’implication de la France en matière de transparence des politiques de développement et de solidarité internationale s’inscrit logiquement dans ce qui nous caractérise et nous distingue depuis 225 ans : l’universalisme de nos valeurs et de nos principes humanistes.

Bien sûr, il s’en trouvera toujours pour passer plus de temps à en relever les imperfections ou les approximations qu’à travailler à son amélioration. Même si le projet de loi est moins normatif que ce à quoi l’on pouvait s’attendre, il porte en lui l’ambition légitime de réaffirmer la place et le rayonnement uniques de notre pays, la France, dans le concert des nations. Compte tenu des enjeux, puisse-t-il au moins rassembler avec enthousiasme tous les élus républicains soucieux de solidarité internationale.

Je me félicite que le projet de loi accorde une attention toute particulière à la francophonie, dont j’avais souligné l’absence lors du débat en commission. Je me félicite que son article 3, issu des travaux des différentes commissions, dispose que la politique de développement et de solidarité internationale participe à la cohésion politique et économique de l’espace francophone. Ce point est à mes yeux crucial.

La francophonie est née en 1539 à Villers-Cotterêts, dans ma circonscription. Elle constitue l’empreinte du fait français par excellence, fait de culture embrassant par notre langue l’ensemble des peuples auxquels l’Histoire nous a liés sur les cinq continents. Elle est aussi, j’en suis convaincu, une façon de penser et de concevoir le monde porteuse de l’indépassable message de liberté adressé à l’humanité par les révolutionnaires de 1789 et renouvelé en 1948 par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle constitue un espace de rayonnement et de promotion de valeurs universelles, d’ouverture et d’échange économique, social et culturel. Son renforcement est l’une des clefs du développement réciproque et durable.

Elle est également un atout pour notre pays, qui se laisse trop souvent aller à oublier que sa grandeur se mesure à l’inspiration qu’il n’a jamais cessé de faire naître chez les autres. La francophonie constitue enfin l’occasion et la responsabilité de favoriser l’essor des valeurs et des principes démocratiques, républicains et laïcs auxquels les membres du groupe RRDP sont particulièrement attachés. La solidarité internationale est une source de soutien aux États mais aussi de revenus pour la France, ne l’oublions pas. La France est classée au quatrième rang mondial des donateurs, ce qui n’est déjà pas si mal. L’aide qu’elle apporte en matière de développement et de solidarité internationale participe de notre rayonnement sur la scène internationale, mais pas seulement.

Cet aspect est fort bien démontré dans le rapport annexé au projet de loi, aux alinéas 228 à 248 consacrés au financement du développement. L’alinéa 233, en particulier, souligne que les financements publics sont mobilisés « en prenant en considération leur valeur ajoutée selon les contextes et les secteurs afin de maximiser leur impact ». Ainsi l’aide au développement et la solidarité internationale ont, il faut le faire savoir, une incidence positive sur notre potentiel économique. Aussi, loin d’être un coût, la solidarité est avant tout une ressource différée dans le temps. L’histoire nous enseigne que le repli sur soi a plus souvent causé la ruine que favorisé l’essor des pays qui l’ont pratiqué. Les Français seraient bien inspirés de s’en convaincre à l’heure où, en politique, certains bonimenteurs voudraient leur faire croire le contraire.

Pour toutes ces raisons, il est fondamental de former notre jeunesse aux enjeux du développement à travers la solidarité internationale. L’alinéa 183 du rapport annexé est à ce titre tout à fait révélateur. En effet, il pose pour principe que l’éducation au développement doit « faire progresser le niveau de connaissance et d’appropriation par les citoyens des actions conduites ». Le groupe RRDP a souhaité intégrer à cet alinéa 183 un amendement visant à assurer au corps enseignant une formation adéquate sur les enjeux du développement et de la solidarité internationale. En effet, chacun conviendra que le niveau d’éducation des élèves dépend en premier lieu du niveau de formation de leurs professeurs.

Le souci et l’attention portés à autrui sont des principes liés à l’exercice d’une véritable morale citoyenne. Se soucier des hommes et des femmes en difficulté qui habitent au coin de la rue est tout à fait naturel, et en rien incompatible avec le fait de se soucier d’individus qui vivent dans des pays éloignés du nôtre, par le biais de la solidarité internationale et de l’aide au développement. Vous me permettrez, monsieur le ministre, d’évoquer quelques exemples d’un territoire que je connais bien, à savoir la Picardie et en particulier le sud de l’Aisne. Ainsi, l’association Château-Thierry-Kinyami met en œuvre, au Rwanda, un programme d’accès à l’eau ; de son côté, l’association Asa Tanana Solidarité agit pour apporter de l’aide à plusieurs hameaux de Madagascar. Ces associations ont reçu l’appui d’acteurs du territoire tels l’Agence de l’eau, le Syndicat d’assainissement de la région de Château-Thierry, le conseil régional de la région Picardie et d’autres collectivités.

Si ces initiatives peuvent exister, c’est avant tout grâce à l’engagement des bénévoles. Vous avez parlé des héros et des héroïnes qui agissent sur le terrain. Je veux, pour ma part, évoquer le million de bénévoles qui œuvrent, en France, à la mobilisation pour la solidarité internationale. Ils exercent des responsabilités en matière de contrôle et de vérification concrète des projets sur terrain et, surtout, initient des dynamiques de développement autonomes et démocratiques. L’échelon territorial est le plus concret et le plus transparent aux yeux de nos concitoyens. Il est primordial que les collectivités territoriales puissent elles aussi jouer leur rôle en matière de politique de développement et de solidarité internationale. Le groupe RRDP se félicite de ce qu’en partenariat avec l’association Cités Unies France, ce texte permette une « cohabitation » entre l’État et les collectivités territoriales.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, le groupe RRDP apportera son soutien à ce texte important. Parmi les dix secteurs d’intervention, j’en citerai trois qui me paraissent particulièrement essentiels. Tout d’abord celui de l’action en faveur de la santé et de la protection sociale, telle que définie par les alinéas 39 et 42. Ensuite celui de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Rappelons-nous ce que disait Confucius : quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson. L’aide de la France doit porter sur le développement d’une agriculture responsable et aboutir à une autonomie agricole pérenne des pays aidés. Le fait que le projet de loi mette l’accent sur la notion de développement durable est, par conséquent, un point extrêmement positif.

Enfin, le dernier secteur d’intervention est celui de l’éducation et de la formation dispensées aux populations des pays bénéficiaires. Il s’agit certainement d’un des points les plus importants car, au-delà de l’urgence, l’aide de la France doit permettre à la jeunesse des pays les plus pauvres de se persuader qu’elle a son avenir entre ses mains. Un système éducatif qui garantit l’accès au savoir et à la formation est le premier gage d’une réelle capacité à déterminer les conditions et les modalités de son développement. Les peuples trouvent là les possibilités de relever eux-mêmes l’ensemble des défis économiques, sociaux, sociétaux et politiques qui se posent à eux. Si les travaux en commission ont permis d’inscrire dans le texte que l’aide de la France en matière d’éducation se fera également en direction des filles, il reste que les membres du groupe estiment que la notion d’éducation doit apparaître dès l’article 1er du projet de loi. Nous avons donc déposé un amendement qui place l’éducation au premier rang des objectifs de la politique de développement et de solidarité internationale de la France, et comptons sur votre appui pour le faire aboutir, monsieur le ministre.

Les députés radicaux de gauche et apparentés sont donc à vos côtés, monsieur le ministre, et les amendements que nous déposons n’ont d’autre dessein que de concourir à l’amélioration du texte. La grandeur de la France est comme sa réputation : elle vit et respire sur les lèvres de tous les peuples qui font partie de l’espace francophone. Elle se mesure aux actions que nous menons dans l’esprit des lumières, dans la générosité et la solidarité.

Pour conclure, je ferai une fois de plus référence au poète de Château-Thierry, Jean de La Fontaine, qui dit, dans la fable L’Âne et le chien, « Il se faut entraider, c’est la loi de nature ». Ce projet de loi nous rappelle à ce qui est notre devoir et je vous remercie, monsieur le ministre, de votre volonté de promouvoir l’idée d’entraide. Elle nous permet d’avoir, dans cet hémicycle, une pensée pour les 1,3 milliard d’habitants qui vivent avec moins d’un euro par jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)