Cumul des mandats : une loi non pas contre le cumul mais contre les maires

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L’Assemblée nationale a adopté le projet de loi portant sur le non-cumul des mandats. J’ai voté contre ce projet de loi. En effet, il m’apparaît très clairement que le texte exposé est un texte qui s’oppose aux maires et ne s’attaque pas au véritable cumul des mandats. Le groupe RRDP avait soumis plusieurs amendements dont 2 que je vous livre ici. Il s’agit d’une part de fixer à 30000 habitants l’interdiction d’être maire et parlementaire, et d’autre part et à mes yeux encore plus important, nous avions proposé à l’Assemblée nationale le non-cumul des indemnités. Ces 2 propositions ont été rejetés et nous le déplorons.

Vous trouverez ci-après l’intervention d’Alain Tourret porte-parole du groupe RRDP lors des explications de vote sur le texte :

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la politique est une affaire de consensus, terme si cher au Président de la République. La majorité doit faire des propositions, mais il lui appartient d’écouter ses alliés et de ne pas négliger l’opposition.

La gauche a toujours voulu limiter le cumul des mandats. Elle le montra sous Lionel Jospin, mais décida de prendre en compte les observations du Sénat et d’une partie de sa majorité. Elle décida à l’époque qu’un élu ne pourrait diriger plus d’un exécutif, qu’il soit ou non parlementaire. Cette règle fit consensus, et elle est inscrite sur les tables de la loi.

Il est vrai qu’en tant que parlementaires et partenaires de la majorité présidentielle, nous sommes tenus par la proposition n° 48 du Président de la République. Mais prévoit-elle ? « Je ferai voter une loi sur le non-cumul des mandats. » Le Président de la République s’est-il alors engagé sur le mandat unique ? À l’évidence, non. D’ailleurs le projet de loi qui nous est soumis prévoit le cumul entre un mandat de parlementaire et un mandat de conseiller régional, départemental ou municipal.

L’interprétation de l’engagement présidentiel par le Gouvernement est donc libre. Or qu’on le veuille ou non, le projet de loi que l’on nous propose aujourd’hui est dogmatique, cassant, frontal.

Nous ne le voterons pas pour les raisons suivantes. La première est que nous n’avons pas à faire les frais des divisions du Parti socialiste.

Si votre loi est l’alpha et l’oméga de la politique, pourquoi ne l’appliquez-vous pas à vos élus, députés et sénateurs, qui se sont engagés par écrit à se l’appliquer aussitôt ?

Pourquoi renvoyez-vous l’application de la loi à l’année 2017, et non pas à 2014 ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Parce que ce ne serait pas constitutionnel ! Nous respectons le Conseil constitutionnel.

M. Alain Tourret. Deuxièmement, pour une raison qui nous échappe totalement, vous avez décidé de faire des maires les boucs émissaires de la vie politique de France. Selon vous, un parlementaire maire serait par définition moins présent, moins efficace et moins actif. Vous vous moquez totalement des analyses des professeurs de science politique qui affirment le contraire.

Le maire d’une commune de quarante habitants, comme celui de Malloué dans ma circonscription, ne pourrait donc pas être député, mais il pourrait être conseiller régional. Comprenne qui pourra.

Les conséquences seront calamiteuses pour l’équilibre des pouvoirs, qui penche déjà bien fortement en faveur de l’exécutif dans la Constitution de 1958. Les maires de Château-Chinon, de Lille, La Rochelle, Nantes, Tulle, Bordeaux ou Marseille n’auraient donc pas pu siéger à l’Assemblée. L’absence de bon sens ne peut tenir lieu de politique.

En éliminant les élus locaux du Parlement, vous brisez les digues qui s’opposent à la montée du populisme. Vous brisez les digues qui s’opposent à la montée du Front national. Le propre d’un maire est justement d’avoir du bon sens, d’être un repère consensuel, et par-là même de s’opposer au populisme.

Vous avez refusé toutes nos propositions. Nous acceptions le non-cumul entre un mandat de parlementaire et un mandat de président de conseil régional ou départemental, ou de maire de grande ville. Vous avez refusé jusqu’à la notion de seuil, que pourtant vous aviez admise pour l’application de la parité aux élections municipales.

Mais surtout, vous avez refusé de nous entendre quand nous avons proposé d’instituer le non-cumul des indemnités d’élus. Avec votre loi, un parlementaire pourra toucher ses indemnités de conseiller régional et de conseiller départemental. Qui est le ringard : celui qui propose le cumul des fonctions ou celui qui accepte le cumul des indemnités ?

Les ringards, ce n’est pas nous ! Les modernistes, c’est nous !

Vous pensez vous inscrire dans le politiquement correct, vous êtes en réalité à la recherche d’une opinion qui vous échappe. Jadis, le philosophe Alain, ce grand normand, écrivait dans La Dépêche de Rouen que le radical était le citoyen contre les pouvoirs. Le parlementaire-maire, c’est l’humaniste décrit par Alain, qui sait s’opposer au pouvoir exécutif, qui sait s’opposer à l’administration, bien loin de la république des apparatchiks que produira votre loi.

C’est pourquoi, avec gravité mais avec conviction, nous voterons contre un texte inabouti et dogmatique, en espérant que vous aurez la sagesse de nous écouter pour parvenir avec l’appui du Sénat à une loi consensuelle et républicaine.

Les amendements :

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