Dumping social et patriotisme économique

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1988

Ce mardi 18 juin, j’ai interrogé le gouvernement sur les mesures qu’il comptait prendre contre le dumping social et la promotion du patriotisme économique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Des mesures pour réduire notre dette, restaurer notre compétitivité, rétablir la croissance et l’emploi ont été mises en œuvre : le CICE ; la BPI ; le soutien à l’innovation ; l’objectif d’avoir 500 000 jeunes en apprentissage dès 2017 ; l’adaptation des formations aux besoins des entreprises pour pallier le scandale des 450 000 emplois actuellement non pourvus. Mais ce que nous entreprenons pour faire reculer le chômage ne risque-t-il pas d’être remis en cause si nous continuons d’accepter la pratique du dumping social ?

Le recours aux « travailleurs détachés » via des cascades de sous-traitants, permet que des personnes soient payées 2,86 euros de l’heure. Dans notre pays, il y aurait pas moins de 300 000 travailleurs européens détachés, dont 150 000 non déclarés, principalement dans les secteurs de la construction, de l’agroalimentaire, du transport et de l’agriculture. Le recours aux travailleurs à « bas coût » à l’intérieur de l’Europe ne peut qu’avoir des répercussions à « haut coût » en matière sociale, économique et politique. Oui, comme cela vient d’être dit, il faut vite une harmonisation salariale et fiscale au niveau de l’Europe.

Et puis, il y a les délocalisations des commandes publiques à l’étranger. Lors du salon Graphitec, les acteurs de la filière graphique nous ont fait part de leurs inquiétudes quant au fait qu’actuellement, 70 % des manuels scolaires sont imprimés en dehors de notre pays. À l’heure de l’exception culturelle, l’économie du livre scolaire ne devrait-elle pas, comme bien d’autres, être elle aussi relocalisée ?

Jean de la Fontaine écrivait, dans la fable Le Loup, la Chèvre et le Chevreau : « Deux sûretés valent mieux qu’une ; Et le trop en cela ne fut jamais perdu ». Effectivement, monsieur le ministre, pour l’emploi il n’y a jamais assez de sûreté. Que comptez-vous faire pour empêcher les pratiques de concurrence déloyale et de dumping social, et installer avec force le « fabriqué en France » et le patriotisme économique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, nous sommes conscients des faits que vous rappelez à juste titre, et des abus auxquels les détachements de travailleurs de l’Union peuvent donner lieu, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des transports. Je veux vous dire que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est déterminé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à lutter contre ces abus. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui en première ligne sur les travaux menés au sujet de la directive sur les détachements de travailleurs. (« Nous voilà rassurés ! » sur les bancs du groupe UMP.) Dans ce cadre, la France insiste pour que les moyens de contrôle soient renforcés, afin que les États membres puissent recourir à tous les moyens qu’ils jugent pertinents et nécessaires. Nous sommes également très soucieux, monsieur le député, du problème de la sous-traitance, notamment dans le secteur de la construction, du bâtiment.

Il y a quelques jours, nous avons fait part de ces éléments et de la position de la France au commissaire européen Laszlo Andor, chargé de l’emploi et des affaires sociales ; par ailleurs, j’ai moi-même attiré l’attention de nos amis lituaniens, à qui va échoir la présidence de l’Union européenne en juillet prochain, sur ce problème.

Indépendamment du travail effectué à l’échelle européenne, nous renforçons nos actions de contrôle dans le bâtiment au niveau national. Ainsi, il a été demandé à chaque préfet de mettre en œuvre un plan d’action dans son département, afin de nous permettre d’être prévenus rapidement des opérations complexes générant des pratiques de dumping social.

Enfin, notre action passe également par une incitation à la convergence sociale par le haut. Ainsi, dans le cadre de la table ronde de jeudi et vendredi prochains que vient d’évoquer le Premier ministre, des propositions vont être inscrites à l’ordre du jour à la demande des partenaires sociaux. Nous les porterons au niveau européen afin de tirer vers le haut les normes sociales, notamment par la mise en place d’un salaire minimal dans chacun des pays. C’est là une position sur laquelle l’Allemagne vient de nous rejoindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)