Pour une fiscalité vraiment écologique

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens, tout d’abord, à saluer l’initiative de mes collègues des groupes SRC et écologiste d’avoir présenté cette proposition de résolution. Le texte qui nous est soumis, même s’il ne s’agit que d’une proposition de résolution, est de qualité.

Le sujet est, pour nous, trop important et trop grave pour faire l’objet de polémiques, comme cela a été le cas tout à l’heure. L’analyse doit être sérieuse et le débat serein. Ce texte prend en compte l’orientation des conclusions de nos débats sur la fiscalité écologique qui se tiennent depuis maintenant presque un an au sein de notre assemblée. Cette proposition de résolution reprend, en particulier, les remarques et les suggestions avancées par les députés de la majorité lors du débat en janvier dernier et par ma collègue radicale Annick Girardin. !

Avant d’évoquer le fond de la résolution, je dirai quelques mots de la démarche. Il est bienvenu que l’Assemblée nationale prenne l’initiative de donner des orientations claires au Gouvernement dans le domaine fiscal. Notre système actuel apparaît clairement défavorable à l’environnement. Pire, il tend plutôt à favoriser les activités dommageables pour l’environnement ! L’idée de l’écofiscalité apparaît, certes, compliquée, mais aussi négative. Guillaume Sainteny, dans son ouvrage, Plaidoyer pour l’écofiscalité ne déclare-t-il pas dans son introduction : « La messe est dite, l’oraison funèbre prononcée. La fiscalité de l’environnement serait au pire nocive, au mieux inutile et inefficace… » ?

Cette résolution arrive donc à point pour nous permettre de rappeler ce que devrait être l’écofiscalité. Le projet de résolution est composé d’un long exposé des motifs, qui précise, en particulier, les constats que l’on peut, aujourd’hui, faire sur l’état actuel de la fiscalité écologique en France. Les députés du groupe RRDP les partagent. Quels sont-ils ?

Premier constat : il y a urgence à agir. Agir contre la dégradation de l’environnement, agir contre l’accélération du changement climatique, agir contre la dégradation de la diversité ! Nous sommes tout particulièrement satisfaits que cette dernière soit prise en compte au même titre que le changement climatique. La préservation de la diversité doit en effet demeurer l’une des priorités des politiques écologiques. Toutefois, nous regrettons que ne soient évoquées ni la qualité de l’air ni celle de l’eau. C’est d’autant plus regrettable que notre action contre la dégradation de la qualité de l’air et de l’eau doit être déterminée. Nous ne devons pas sous-estimer l’impact sanitaire de nos modes de vie, de consommation et de production. Protéger la nature est indispensable. Protéger l’homme l’est au moins tout autant. Les députés du groupe RRDP auraient donc souhaité que, dans la résolution, les dégradations de la qualité de l’air et de l’eau soient considérées comme une menace essentielle pour notre santé, au même titre que le changement climatique et la perte de biodiversité.

Deuxième constat : notre pays est en retard par rapport à nos voisins européens, comme cela a été précédemment souligné. Nous considérons qu’il faut inverser cette tendance. Le rapport démontre non seulement que la fiscalité écologique existante est insuffisante, mais qu’elle est, en plus, inefficace. La proposition de résolution insiste sur ce point avec raison. En effet, avant de demander éventuellement une contribution supplémentaire à nos compatriotes, il faut s’assurer que ce qui existe déjà est efficace. Tel n’est pas le cas, comme l’a encore récemment déploré la Cour des comptes. Ainsi, le gazole et le charbon sont moins taxés, alors que leur consommation détériore davantage l’environnement que d’autres sources d’énergie. Les dépenses fiscales existantes sont, de plus, contraires aux objectifs que l’on se fixe pourtant pour protéger l’environnement.

Enfin, le texte souligne la crise globale qui nous frappe. Nous aurions tort de ne voir que les aspects économiques et sociaux derrière la crise qui nous touche directement à court terme. La crise environnementale qui nous affecte est tout aussi majeure. La résolution de la crise économique et de ses effets sociaux n’exclut pas la recherche de solutions pour favoriser la protection de l’environnement. Elles sont complémentaires, à condition que les réponses soient appropriées.

Si nous partageons ces constats, il y a, pour nous, des nuances dans les réponses à apporter.

Ainsi, l’orientation de la fiscalité écologique a été très nettement influencée par 1’ajout, dans le dernier collectif budgétaire, du dispositif instaurant le crédit d’impôt compétitivité emploi. À terme, ce crédit d’impôt représentera un coût total de 20 milliards d’euros par an. La fiscalité écologique devrait y contribuer à hauteur de 3 milliards d’euros. Ce n’est pas rien, c’est même beaucoup. La question que l’on peut légitimement soulever ne porte pas tant sur le montant, qui est ambitieux, que sur la façon dont les recettes générées par la fiscalité écologique seront utilisées.

Notre groupe parlementaire l’a dénoncé à plusieurs reprises : le défaut de la fiscalité écologique, c’est qu’elle est inscrite dans le financement du crédit d’impôt compétitivité emploi et non dans des programmes entièrement dédiés à la transition écologique. Soit on cherche à améliorer les comportements des usagers pour réduire la pollution et améliorer l’environnement – et c’est ce que nous souhaitons –, soit on cherche à remplir les caisses de l’État, mais il est illusoire de penser ou d’affirmer que l’on peut réaliser les deux. Si l’on veut réellement favoriser des comportements et des usages plus soucieux de l’environnement, il convient à la fois de taxer les mauvaises pratiques et de subventionner les bonnes. Il faut doubler l’incitation à adopter des comportements et des usages adéquats.

C’est tout le principe des mécanismes d’obligation d’économies d’énergie, appelés en France les certificats d’économies d’énergie. Ils ont été évalués par le laboratoire de recherche de la Commission européenne comme étant jusqu’à neuf fois plus efficaces qu’une simple taxe. Le drame des certificats d’économies d’énergie, c’est qu’en France, aucun recouvrement des coûts n’est prévu sur les énergies dont les prix sont réglementés. C’est pourquoi les obligés ayant des tarifs réglementés sont réfractaires au déploiement de ce système, alors que ceux qui ont des prix libres, et donc la capacité d’inclure ce coût dans leurs ventes comme une taxe, le soutiennent massivement.

Les objectifs doivent être fixés de manière ambitieuse pour inciter et déclencher plus d’opérations d’économies d’énergie. Une forme de recouvrement des coûts des certificats d’économies d’énergie doit aussi être déterminée pour les volumes d’électricité et de gaz naturel vendus au tarif réglementé.

L’acceptation par nos concitoyens de la fiscalité écologique sera d’autant plus importante qu’ils en verront les réalisations concrètes. Le produit de la fiscalité écologique doit être dédié à la transition écologique. Les entreprises sont invitées à utiliser le crédit d’impôt compétitivité emploi pour transformer et rendre moins polluantes leurs méthodes de production et de diffusion. Mais alors que leurs marges se resserrent, que les objectifs du CICE sont multiples, croit-on vraiment qu’au total, les entreprises consacreront 3 milliards d’euros à la transition écologique au titre du CICE ? En revanche, si on décrit la façon dont le produit de cette écotaxe sera utilisé pour créer un cercle vertueux dans la transition écologique, alors oui, il y a des chances que cette augmentation de taxe ne soit pas totalement rejetée. Dans le cas contraire, nous risquons de détourner les Français de la question environnementale ! Or, sans le soutien de nos concitoyens, la transition écologique échouera. Si l’écologie ne peut apparaître comme positive, elle risque, en reposant sur la peur et la contrainte, d’entrer dans les consciences de façon négative. Les radicaux de gauche s’opposent farouchement à cette vision étriquée et dépassée de l’écologie.

Pour conclure, les députés du groupe RRDP partagent la nécessité de mettre en œuvre au plus vite une fiscalité écologique plus efficace et plus globale, mais ils estiment qu’elle ne doit pas l’être sans que des contreparties soient clairement définies ; celles-ci doivent servir directement à la transition écologique. Considérer de la même façon la taxation du travail, du capital, de la consommation des biens et de la pollution est une erreur car la fiscalité écologique a une particularité : c’est une taxation qui doit encourager et accompagner l’extinction de son assiette. L’oublier, c’est faire peser un grand risque sur la transition écologique, qui est pourtant indispensable.

Même si les élus – et, crois-je pouvoir dire, nos concitoyens – ne croient plus au grand soir fiscal, nous aurions néanmoins souhaité une véritable mise à plat de l’ensemble de la fiscalité. Cependant, l’acceptabilité de l’éco-fiscalité ne sera possible qu’à partir du moment où elle sera perçue non comme un impôt de plus mais comme un impôt à la place d’un autre. Je le rappelais ici même lors de nos débats sur l’écotaxe poids lourd : il faut ouvrir la voie à un changement des comportements. N’ajoutons pas pour autant constamment de la fiscalité à la fiscalité, car le pouvoir d’achat des ménages s’effrite et nos entreprises perdent leur compétitivité.

Dans ces conditions, la fiscalité de l’environnement ne mérite ni excès d’honneur ni indignité mais simplement une application plus raisonnée et raisonnable. L’éco-fiscalité doit avoir un développement conforme aux potentialités qu’elle a démontrées dans nombre de pays étrangers et dont la France aurait tort de se priver. Pourvu que nous n’oubliions pas, comme le disait Jean de la Fontaine dans la fable Le renard et le bouc : « En toute chose il faut considérer la fin. » La vraie éco-fiscalité, c’est d’abord celle qui nous engage en faveur du développement durable et du respect de notre environnement. Le groupe RRDP sera particulièrement attentif à ce que cette finalité soit respectée.