Création de la BPI

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Compte rendu de la séance :

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, premier orateur inscrit dans la discussion générale commune.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, madame et monsieur les rapporteurs, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui constituera, à n’en pas douter, l’un des moments forts de cette législature. On reproche souvent aux élus de ne pas respecter leurs promesses : en voilà une, et non des moindres, qui est tenue ! Cela a déjà été dit, mais il faut le rappeler : la création d’une banque publique d’investissement était en effet l’un des soixante engagements de campagne du Président de la République, et nous ne pouvons que nous féliciter du passage de la parole aux actes.

Comme cela a été dit avec beaucoup d’humilité, cette BPI ne réglera pas tous les problèmes et ne permettra pas, hélas ! de sauver toutes les entreprises. Cela dit, même si la BPI ne naît pas de nulle part, elle est considérée comme un outil nouveau et central pour l’amélioration de la compétitivité de l’économie, d’autant qu’elle devra être prochainement complétée – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – par la réforme bancaire, la création d’une nouvelle bourse des PME, la mise en place d’un plan d’épargne en actions PME et une réforme de la fiscalité de l’épargne.

Au-delà de la cohérence de cette initiative, je salue l’audace et la résolution dont fait preuve ce Gouvernement pour créer les conditions du retour de la croissance et d’une restauration de notre compétitivité. La BPI se veut l’instrument d’une politique économique centrée sur les objectifs de soutien et de renfort de notre tissu industriel, et plus largement économique, innovant. Elle aura pour fonction d’aider les entreprises françaises à devenir les plus performantes dans leur secteur d’activité, ce qui est le meilleur gage de création d’emploi. Car il s’agit bien de cela : lutter contre le chômage.

Dans le rapport de la mission de préfiguration de la BPI remis cet été au ministre de l’économie et des finances, plusieurs points ont été soulignés, qui démontrent la pertinence du projet tel qu’il nous est présenté.

Ainsi, sur la situation actuelle du marché du crédit bancaire pour les entreprises, il précise que les entreprises qui innovent et qui exportent connaissent une dégradation de leurs conditions d’accès au crédit. Il notait également que les interventions en faveur des entreprises sont multiples à tous les stades de leur développement et qu’elles sont portées par un grand nombre d’acteurs. Sur ce dernier point, l’expérience montre toujours que la bonne coordination est la première condition d’une efficacité optimale.

Dès lors, l’on peut comprendre l’impératif du changement de cap proposé par ce projet de loi, qui va permettre de diffuser une offre simplifiée et plus lisible pour les acteurs économiques. En effet, la conjoncture actuelle et les incertitudes qu’elle suscite voient les acteurs financiers privés hésiter à soutenir la croissance des entreprises. La simplification et la rationalisation de l’offre publique en matière d’appui au financement des entreprises sont donc une nécessité.

Jean-Pierre Jouyet soulignait que le fait de rassembler sous un même toit les différentes institutions de prêt et de prise de participation en capital constitue un progrès considérable. Vous montrez de la sorte, même si cela ne réglera pas tous les problèmes, qu’il est possible de simplifier pour améliorer l’efficacité. Et nous pourrions suivre cet exemple dans d’autres domaines.

Le Président de la République le rappelait le 26 octobre dernier au grand rendez-vous de l’assemblée générale d’OSÉO Excellence, à laquelle j’ai participé : la BPI, c’est OSÉO en plus grand. Organiser les synergies et mieux accompagner les entreprises, tel est le message du Président de la République. Les entreprises attendent, et il soulignait avec force lors de ce rendez-vous, des règles claires, une lisibilité fiscale et une stabilité des dispositifs financiers sur le long terme.

Nous souscrivons également totalement au principe de l’action de la BPI, pour qu’elle se puisse sur les TPI et les moyennes entreprises. Mais qu’en est-il des artisans en milieu rural, monsieur le ministre, ? La question vous a déjà été posée, je vous la repose ce matin.

Nous savons que c’est dans cet ensemble d’entreprises que résident de forts potentiels d’innovation et, donc, d’emplois.

Je profite de l’occasion pour remercier et féliciter ces patrons – j’ai bien dit « ces patrons » – à la tête des PME, des TPI, ces artisans, ces commerçants qui se battent comme des forcenés pour sauvegarder leurs entreprises et nos emplois. Ils ne sont pas des patrons du CAC 40 et ils méritent notre reconnaissance, et le soutien de l’ensemble des élus qui font le distinguo avec les multinationales, qui veulent générer de la valorisation boursière, ce qui n’est notre objectif.

La BPI va devoir considérer l’impératif de la cohérence de l’ensemble de ses actions avec la nécessité de se décentraliser pour être au plus près des besoins réels. Nous pensons que les régions ont un rôle fondamental à jouer pour être au service des territoires. C’est là que réside la valeur ajoutée supplémentaire de la BPI. Il sera d’autant plus remarquable que les relations entre l’État et les régions sont apaisées et bien complémentaires.

Mais nous pensons aussi que la BPI doit donner des impulsions économiques, sociales et politiques fondamentales pour engager les mutations souhaitées, notamment dans le domaine de l’écologie et du respect de l’environnement. C’est la condition de la croissance de demain. Elle nous impose d’ancrer notre développement économique et technologique, notre compétitivité industrielle dans la transition énergétique telle que définie lors de la conférence environnementale qui s’est tenue en septembre.

Comme je l’ai déjà exprimé en commission de développement durable, et son rapporteur l’a rappelé, il faut que la BPI s’appuie fortement sur la transition écologique. Cet appui pourrait se décliner de plusieurs façons : soutenir les éco-industries et plus largement les éco-entreprises, traitées comme un secteur prioritaire – c’est la compétitivité de demain ; accompagner les entreprises qui doivent évoluer dans leur modèle pour s’engager dans la transition écologique, pour satisfaire aux contraintes environnementales nouvelles en termes de rejet des eaux, de fumées, etc., pour gagner des points de compétitivité en économisant des ressources par l’amélioration de leur efficacité énergétique, ou pour optimiser leurs process dans une logique environnementale ; financer les énergies renouvelables – le rapporteur l’a rappelé : 105 milliards sont nécessaires.

Voilà pourquoi il est indispensable d’introduire des critères environnementaux dans l’analyse des dossiers d’investissement.

Pour ce faire, la BPI doit pouvoir interagir avec les entités chargées des politiques publiques en la matière : ADEME, direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, mais également avec les grands acteurs tels les pôles de compétitivité.

N’oublions pas que la France dispose de nombreux atouts dans la course au leadership économique vert engagée au niveau mondial. Le secteur des éco-activités représente en France une production de près de 70 milliards d’euros, dont 6, l milliards sont exportés avec un excédent commercial de 1,1 milliard d’euros. La croissance des éco-activités est élevée : elle s’est établie à plus 6 % en moyenne annuelle de 2004 à 2010. Nous sommes loin de ces pourcentages dans les autres secteurs. La France, ne l’oublions pas, est particulièrement bien positionnée dans les domaines de l’eau, de la gestion des déchets, du traitement des nuisances, de la pollution de l’air. En 2010, les éco-activités représentaient près de 452 600 emplois.

Les activités de protection de l’environnement, la gestion des ressources naturelles, les activités transversales, la gestion des déchets et des eaux usées ainsi que les énergies renouvelables sont de véritables viviers d’emplois pour demain. Il serait possible de créer plus d’un million d’emplois, ce que nous souhaitons, avec le soutien de la Banque publique d’investissement, en s’appuyant sur la transition énergétique, qui doit faire émerger ce gisement d’emplois lesquels permettront à notre pays de retrouver le rang qui doit être le sien.

Dans la fable Le loup et l’agneau, Jean de la Fontaine écrivait à juste titre que la raison du plus fort est toujours la meilleure. Il nous reste à déterminer si nous voulons être des loups ou des agneaux dans le domaine de la compétitivité internationale et des emplois. Le Gouvernement a fait le choix d’être à l’offensive. Il peut compter sur le groupe RRDP, mais également, si j’ai bien compris, sur la représentation nationale tout entière pour vous accompagner à relever ce défi, ce qu’attendent nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)