Principe de gouvernance environnementale

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Compte-rendu des débats :

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, mesdames, messieurs, la Charte de l’environnement adoptée en 2004 constitue une étape essentielle pour une meilleure prise en compte de l’environnement dans les décisions publiques qui peuvent l’affecter. Cette charte avait l’ambition de permettre aux citoyens de s’exprimer sur les projets qui ont une incidence réelle sur leur environnement. Il serait, en effet, illusoire de croire que l’on peut protéger la nature, la biodiversité et, plus généralement, nos cadres de vie sans que ceux qui les côtoient localement, les vivent quotidiennement, aient leur mot à dire. Contrairement à une certaine vision ancienne de l’écologie, qui percevait la protection de l’environnement comme une fin, les députés du groupe RRDP considèrent qu’elle est un impératif qui n’a d’autre but que le bien-être de nos concitoyens. Mais alors que le principe de la Charte est bon, sa mise en œuvre, depuis 2004, a été par trop insatisfaisante. En effet, comment vouloir parler de gouvernance quand, dans le même temps, le précédent gouvernement prenait un arrêté, le 12 juillet 2011, afin de limiter la participation de certaines ONG aux débats, alors qu’elles sont, souvent, des lanceurs d’alerte ! Ne faut-il pas revenir sur cet arrêté ? La mise en œuvre de la charte a été trop insatisfaisante. C’est aussi ce qu’ont rappelé plusieurs décisions du Conseil constitutionnel. Si une censure partielle de l’article L. 120-1 du code de l’environnement est attendue, c’est bien que les droits à valeur constitutionnelle de nos concitoyens n’ont pas été respectés depuis maintenant sept ans.

M. Thierry Braillard. Eh oui !

M. Jacques Krabal. Il est donc temps que la mise en œuvre de ce principe annoncé dans la Charte de l’environnement devienne effective. Et c’est seulement au regard de cet impératif que ce projet doit être apprécié. Certes, les députés du groupe RRDP n’ignorent pas les contraintes qui pèsent sur ce projet de loi. La censure probable de l’article L. 120-1 du code de l’environnement nécessite de légiférer rapidement. Il est absolument indispensable que ce texte puisse lever les doutes qui pèsent sur le principe de participation aussi bien auprès de nos concitoyens que des organismes qui ont à le mettre en œuvre. Il aura donc fallu sept ans, un changement de majorité et la menace d’une censure par le Conseil constitutionnel pour modifier un texte aux défauts flagrants. Autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi le prouve bien : ce texte répond, en réalité, à une certaine urgence.

Les parlementaires ont, malgré cela, réalisé un travail remarquable, que je salue, pour introduire diverses modalités qui donnent de la substance à ce projet de loi. Ce fut d’abord le cas au Sénat, puis lors des travaux de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, qui, sous la responsabilité du président Chanteguet et de Mme la rapporteure, a accepté plusieurs amendements, le Gouvernement en ayant d’ailleurs lui-même déposé. À ce titre, je tiens à saluer le travail de Mme Batho, qui a cherché à consolider le projet. L’affirmation du droit d’accès à l’information environnementale et la communication des différentes études sont autant de nécessités.

Cependant, en dépit des améliorations apportées, le principal défaut de ce texte, et la ministre l’a souligné, est le manque de réponses concrètes.

M. Martial Saddier. Elle a raison !

M. Jacques Krabal. Tout à fait, et je pense qu’elle apportera des réponses par la suite.

Nous devons garder à l’esprit que nous travaillons à l’élaboration d’un texte de loi destiné à nos concitoyens. Ce que veulent savoir nos concitoyens, c’est comment leurs avis seront pris en compte dans des dossiers d’actualité importants comme la création de nouveaux couloirs aériens, la gestion des ondes de téléphonie mobile, la culture des OGM ou encore l’exploitation du gaz de schiste.

Ce que veulent savoir nos concitoyens, c’est quelle sera la portée et l’incidence de leur avis, qui est aujourd’hui peu respecté par l’État. Il en est souvent ainsi lors des consultations des enquêtes publiques, comme encore hier dans mon territoire, à l’Épine-aux-Bois, et dans bien d’autres communes encore. Nous en avons des exemples à Château-Thierry et dans le sud de l’Aisne. Qu’il s’agisse des demandes de permis concernant les gaz et huiles de schistes ou des couloirs aériens, les citoyens, les élus, et les associations de Château-Thierry et du Soissonnais ont été méprisés, bafoués, ils n’ont pas reçu la moindre information.

Ce que veulent savoir nos concitoyens, c’est s’il est vraiment utile d’investir du temps dans ces consultations publiques.

Ce qu’ils veulent aussi, c’est comprendre. Comme pour les parlementaires, il faut mettre à leur disposition des informations claires et leur permettre de bénéficier du soutien d’experts, bien évidemment indépendants et choisis par eux.

Tant que l’on n’aura pas répondu à ces questions, à leurs questions, on ne pourra s’étonner qu’ils se sentent bien trop souvent écartés de la chose publique et de ses discussions.

Notre système de concertation doit donc être plus simple, plus lisible et plus transparent.

Malheureusement, mes chers collègues, le projet de loi n’apporte qu’une réponse très partielle à toutes ces questions.

Nous avons bien perçu les objectifs de ce texte et son urgence mais, s’il est nécessaire et si nous le soutenons, il ne peut se suffire en tant que tel parce qu’aujourd’hui l’enjeu de la participation du public va au-delà du domaine environnemental. Il y va de la survie de notre démocratie.

Nos habitants sont nombreux à rejeter la politique. Ils sont nombreux à avoir le sentiment qu’ils ne sont pas entendus, que cela ne sert à rien, que tout est déjà décidé à l’avance. Vous connaissez aussi bien que moi ces litanies.

Il est donc grand temps de revoir tous les outils disponibles dans le domaine de la consultation des publics, de simplifier les procédures, de simplifier les accès, tout en rappelant les règles du jeu et les responsabilités de chacun, celles des institutions mais aussi celles des citoyens.

Réfléchissons à ce projet qui s’appuie sur une volonté de transparence, garante d’une véritable liberté du citoyen, tout en permettant de sanctionner les obstructions abusives que nous connaissons ici ou là, car nous savons que la somme des intérêts particuliers ne fait pas l’intérêt général.

Soyons à l’offensive pour aboutir à des solutions acceptables par tous. Ne perdons plus de temps, travaillons à ces perspectives d’une citoyenneté plus active mais aussi plus responsable. Sans plus tarder, Mme la ministre nous propose de travailler à ce grand projet qu’est le renforcement de la consultation et de la participation des citoyens. Nous sommes prêts à être à ses côtés sur ce grand chantier.

Ainsi, dans l’espoir d’aller encore plus loin, les députés du groupe RRDP, très nombreux ce soir, voteront ce texte. Comme le disait Jean de la Fontaine, dans la fable Démocrite et les Abdéritains, au livre VIII, « Aucun n’est prophète chez soi ». Ne l’oublions pas. Oui, plus que jamais, nous avons besoin de l’avis de tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)