Oui à une gestion des déchets radioactifs

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2027

La commission du développement durable a été saisie de la proposition de loi précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue. A cet effet, j’ai rappelé qu’il ne s’agissait pas là de se positionner pour ou contre l’énergie nucléaire mais bien d’en gérer les déchets qui, pour la plupart, auront une vie longue et impacterons les générations futures. La question posée par cette proposition est d’acter au travers de la loi, la réversibilité des déchets. Cette question, qui sous-tend celle de la faculté de récupérer les déchets contaminés, est étudiée depuis presque trente ans par les meilleurs spécialistes dans le monde. N’étant pas nous-mêmes des experts susceptibles de débattre de détails d’une grande technicité, nous n’avons d’autre ressource que de nous fier aux scientifiques pour nous éclairer dans la définition législative de la réversibilité du stockage des déchets radioactive.

J’ai donc voté cette proposition tout en regrettant de ne pas pouvoir l’amender pour obtenir un vote conforme.

L’intervention en vidéo :

Le compte-rendu :

M. Jacques Krabal. Le sujet de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est d’une extrême importance, même si la réflexion sur le stockage des déchets nucléaires ultimes a commencé il y a plus de quarante ans.

Un amendement quasi identique au texte examiné aujourd’hui a été adopté dans le cadre de l’examen de la loi Macron puis a été censuré par le Conseil constitutionnel ; aussi, le sujet exigeait-il un texte spécifique.

Chacun a conscience du poids des enjeux, c’est bien pourquoi le Parlement se devait d’être associé depuis le début, et c’est à partir des travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) que la représentation nationale a démarré sa réflexion, ce dont le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste (RRDP) ne peut que se réjouir.

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre l’énergie nucléaire : les déchets radioactifs existent et sont source de bien des débats depuis très longtemps. Pour nos concitoyens, il est nécessaire que nous prenions enfin des décisions, d’autant que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit de ramener de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique française à l’horizon 2025.

La question de la réversibilité, qui sous-tend celle de la faculté de récupérer les déchets contaminés, est étudiée depuis presque trente ans par les meilleurs spécialistes dans le monde. N’étant pas nous-mêmes des experts susceptibles de débattre de détails d’une grande technicité, nous n’avons d’autre ressource que de nous fier aux scientifiques pour nous éclairer dans la définition législative de la réversibilité du stockage des déchets radioactive.

Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, les radicaux pensent que nous devons disposer d’une boussole scientifique et, si les experts sont globalement rassurants sur Cigéo, il convient aussi de rappeler que le risque zéro n’existe pas et que nous sommes loin d’avoir des certitudes définitives sur la sécurité du stockage envisagé.

Tous les pays du monde équipés de centrales nucléaires sont confrontés au même problème. Pour l’heure, aucun ne dispose de solutions pleinement satisfaisantes, et il est probable qu’il en sera toujours ainsi, compte tenu de la complexité du problème.

En France, nous avons peut-être la moins mauvaise des solutions, mais nous devons rester modestes.

Présenté par l’ANDRA, le projet Cigéo consiste à stocker les déchets radioactifs français de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL), provenant principalement des centrales nucléaires. Cette installation serait refermée de manière progressive tout en restant réversible pendant au moins cent ans, comme le prévoit l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement. Après fermeture du stockage, le site profiterait d’une surveillance continue et verrait la création d’un centre de mémoire.

L’article 1er de la proposition de loi mentionne la fermeture définitive du site, ce qui fait débat, puisqu’elle semble entrer en contradiction avec la notion de stockage réversible. Nous avons pourtant conscience que la réversibilité est inversement proportionnelle à la sécurité : plus on referme, plus on a de sécurité, mais moins on a de possibilités de récupérer les déchets contaminés. Toutefois, les exigences de sécurité imposeront probablement une fermeture définitive, il n’est donc pas irrationnel d’envisager cette possibilité.

Le texte précise le rôle éminent de contrôle de l’ASN, qui est indispensable, mais la question des moyens de cette institution, qui a prouvé que nous pouvons lui faire confiance, demeure posée.

Cette proposition de loi nous permettra de disposer d’une meilleure visibilité sur les coûts du stockage. Si trop d’inconnues demeurent pour établir une évaluation globale fiable, elle facilitera néanmoins l’appréciation des coûts par les acteurs du nucléaire, qui doivent provisionner des sommes importantes pour réaliser cette opération.

Le texte précise que la réversibilité implique de pouvoir récupérer les colis de déchets, et prévoit une phase industrielle pilote devant conforter le caractère réversible du stockage en couche géologique profonde et démontrer la sûreté de l’installation.

Il s’agit donc bien d’une démarche progressive, qui se nourrira des observations de l’ASN. La formule n’est certes pas parfaite, mais elle prévoit l’exigence de récupération des colis de matières contaminées ainsi qu’une phase pilote destinée à mesurer la sûreté et le coût de l’opération.

En adoptant cette proposition de loi, nous prendrons une décision indiscutablement nécessaire à l’intérêt général. Je déplore toutefois que le besoin d’un vote conforme nous empêche de déposer des amendements, car, comme l’a écrit Jean de La Fontaine dans la fable Le Lièvre et la Tortue : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point. » (Sourires)

Nous devons toutefois assumer nos responsabilités pour aujourd’hui et pour l’avenir.

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Jacques Krabal est député de l'Aisne et maire de Château-Thierry. Il siège à l'Assemblée nationale depuis juin 2012. Il est membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. En tant qu'invité à la Conférence environnementale de septembre 2012, il a été invité à se prononcer au sein du Comité pour la Fiscalité Ecologique (CFE). Il est président du groupe d'études "papier et imprimés".