Modernisation de l’élection présidentielle : pourquoi j’ai voté contre

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J’ai voté contre la proposition de loi concernant la “Modernisation de l’élection présidentielle”. En effet, pour moi, les “petits partis” sont l’essence de la démocratie. Les empêcher de participer au débat ne ferait qu’accroître le fossé entre la politique et nos citoyens. C’est pourquoi j’ai demandé à cosigner la tribune suivante publiée sur le Huffington Post :

http://www.huffingtonpost.fr/noel-mamere/modernisation-de-lelection-presidentielle_b_9610684.html

Députés de tous bords, nous prenons la parole aujourd’hui afin d’avertir les citoyens des enjeux de l’article 4 de la loi de modernisation de l’élection présidentielle, présentement discutée à l’Assemblée et définitivement votée aujourd’hui. Cette loi entraînerait une profonde modification de ce que représente l’élection présidentielle dans notre République et donc du débat démocratique offert à nos concitoyens. Et c’est précisément de débat dont nous souhaitons parler. Le débat doit se faire dans l’espace public également, pas seulement dans l’hémicycle.

Nous prenons donc la parole afin de pouvoir offrir aux citoyens le débat que cette modification mérite. Nous sommes contre l’article 4 de loi organique de modernisation de l’élection présidentielle. Cet article modifiera le temps de parole médiatique offert aux candidats à l’élection présidentielle pendant les cinq semaines précédant le premier tour de scrutin. En effet, jusqu’à maintenant un temps de parole égalitaire était accordé à tous les candidats à l’élection présidentielle afin de faire de ce moment central dans notre vie républicaine un vrai moment de débat où de nouvelles idées viennent enrichir le débat et se confronter à celles des partis dominants.

C’est l’occasion d’offrir aux français un moment de réflexion et de choix sur la vision à donner au pays. C’est aussi un moyen de rafraîchir le débat et de proposer d’autres perspectives, de montrer que d’autres solutions sont possibles. Alors que les médias d’habitude concentrent leur attention sur les mêmes personnes et idées, ce dispositif permettait d’accorder du temps à des idées nouvelles: un mécanisme indispensable à toute démocratie saine.

Mais l’article 4 vient modifier cela en raccourcissant ce temps de 5 à 2 semaines et en appliquant un temps de parole “équitable” pendant les trois autres semaines. Passer de “égalitaire” à “équitable” n’est jamais une avancée démocratique. Surtout lorsqu’on se penche sur la signification que prend équitable dans la loi, les médias accorderont leur temps de parole en fonction de: “la représentativité des candidats, appréciée, en particulier, en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou les formations politiques qui les soutiennent et en fonction des indications d’enquêtes d’opinion; de la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral.”

On comprend alors aisément, qu’à part pour des termes peu quantifiables, les médias s’appuieront surtout sur les résultats des élections précédentes et donc donneront plus de visibilité à ceux qui en ont déjà et pourront ignorer les candidats qu’ils ne jugent pas assez porteurs d’audience. On entre alors dans un cercle vicieux où ceux qui n’arrivent pas à faire connaître leurs idées car ne sont pas invités par les médias, ne sont pas invités par les médias car leurs idées ne sont pas connues.

Pour ces raisons nous considérons que cet article est contraire à l’esprit de notre République. Cet esprit est celui où une nouvelle idée aura toujours le potentiel de se présenter aux français même si elle n’est pas issue des partis dominants qui contrôlent déjà une grande partie de la vie politique française. Cet esprit est celui où chaque citoyen peut s’emparer de l’avenir de son pays et proposer une vision à ses compatriotes. Cet esprit est celui qui fait que bien que nos institutions soient stables, leur utilisation peut être sans cesse renouvelée. Cet esprit est celui qui ne pourra jamais être monopolisé. Il n’est pas acceptable que les grands partis se garantissent législativement la majorité du temps de parole.

Nous prenons donc la parole car nous ne trouvons pas normal qu’une telle modification ne fasse pas l’objet d’un réel débat et surtout que ses enjeux ne soient pas clairement présentés aux Français. Nous trouvons également inadmissible que l’on supprime le potentiel pour de nouvelles idées d’émerger. C’est pourquoi nous appelons les Français à se renseigner et à faire connaître leur souhait quant à cette modification à leurs élus.