Déchets nucléaires : oui au débat

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La commission du développement durable a auditionné M. Christophe Bouillon, président du conseil d’administration, et M. Pierre-Marie Abadie, directeur général, de l’ANDRA, sur le principe de réversibilité du stockage des déchets nucléaires. Avant d’aborder les problématiques liées à l’enfouissement des déchets nucléaires, j’ai souhaité évoquer l’accident survenu sur le chantier de CIGEO provoquant la mort d’un ouvrier le 26 janvier.

Au-delà de cet événement tragique, j’ai rappelé, encore une fois, la nécessité d’organiser un réel débat sur l’ensemble de la filière nucléaire qui seul pourra répondre de façon apaisé aux problématiques qui se posent.

Le compte-rendu des débats :

Avant d’aborder la réflexion sur le principe de réversibilité, un sujet déjà évoqué à de multiples reprises, je veux revenir sur l’accident de chantier qui s’est produit le 26 janvier dernier sur le site de Cigéo, à la suite d’un éboulement en bout de galerie qui a fait un mort et un blessé au sein de l’équipe de prestataires en cours d’intervention. Une enquête est en cours, et nous devons attendre que la justice ait fait toute la lumière sur les circonstances de ce drame avant de prendre position dans un sens ou dans l’autre. Comme l’a dit M. Abadie, le laboratoire souterrain n’accueille pas de déchets radioactifs, il s’agit d’un laboratoire de recherche et d’expérimentation dédié à la conception du futur centre de stockage, qui sera physiquement séparé du laboratoire.

Pour ce qui est de la réversibilité, la loi du 28 juin 2006 précise que la solution de stockage géologique doit être réversible pendant au moins cent ans. Pourtant, des ingénieurs nous expliquent régulièrement que les techniques permettant la réversibilité ne sont pas totalement au point, et cette absence de garantie suscite des inquiétudes. La mise en oeuvre de la réversibilité exige, outre une qualité de sûreté, la récupérabilité et la flexibilité. Selon la Commission nationale d’évaluation (CNE), à terme, le stockage de déchets radioactifs a vocation à être fermé. Les dispositions favorables à la réversibilité ne compromettent-elles pas la sûreté, tant pendant l’exploitation qu’après la fermeture ?

Par ailleurs, que pensez-vous d’un seuil de libération pour les déchets de très faible activité (TFA) ? Pour ces déchets, ne serait-il pas plus judicieux de parler de recyclage ? Peut-on recycler les TFA dans des enveloppes de confinement ? A-t-on procédé à une évaluation du gain de place, ainsi que d’une évaluation économique et financière de cette pratique ? Enfin, quelles sont les possibilités de traçabilité des TFA ?

Pour ce qui est du coût, il est difficile de procéder à une évaluation sur cent ans, le niveau d’incertitude posant problème. Sans un minimum de visibilité, comment pouvons-nous prendre des décisions ? Les dépenses supplémentaires qu’engendre la réversibilité ont-elles été évaluées ? Le 15 janvier 2016, le ministère de l’écologie a publié un arrêté fixant à 25 milliards d’euros le coût objectif de mise en oeuvre des solutions de gestion à long terme – 140 ans – des déchets radioactifs. De son côté, l’ANDRA estime qu’environ 33 milliards d’euros seraient nécessaires, tout en reconnaissant que l’exercice de prévision du coût sur une centaine d’années est périlleux. Si la sûreté n’a pas de prix, la crise et la réduction de nos moyens financiers risquent d’entraîner une réduction des effectifs. Dans ces conditions, serons-nous demain en mesure d’assurer la sûreté ?

Un autre sujet de préoccupation est le débat qui devrait avoir lieu sur le stockage de longue durée. L’amendement qui l’introduisait dans le cadre de la loi Macron a finalement été censuré par les sages du Conseil constitutionnel. Depuis, notre collègue Jean-Yves Le Déaut a déposé une proposition de loi. Pouvez-vous nous donner une idée du calendrier de cette proposition de loi ? J’aimerais que son examen soit l’occasion d’un véritable débat sur le stockage, mais aussi sur l’ensemble de la filière, que nous appelons de nos voeux depuis que nous discutons de ce sujet. La transparence doit valoir dans tous les domaines, et nos concitoyens ont le droit de savoir. En ce qui nous concerne, nous avons le devoir de dire les choses. N’ayons pas peur de la vérité, sur quelque sujet que ce soit, soyons au contraire offensifs dans ce domaine ! C’est une exigence d’éthique au service de notre démocratie, trop malmenée aujourd’hui. Le pire de tout, c’est d’avoir peur : rien ne pèse tant qu’un secret, comme le disait Jean de La Fontaine dans sa fable Les Femmes et le secret. Il est donc temps pour nous de donner du sens à nos décisions politiques en toute transparence, surtout en ce qui concerne la filière nucléaire.