Education : relancer l’ascenseur social

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D’après l’OCDE, en France, seuls 38 % des jeunes adultes issus des classes moyennes ou défavorisées suivent des études supérieures. A partir de ce constat, j’ai posé une question à Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale sur l’ouverture de toutes les formations sur concours aux plus défavorisés en leur réservant 15% des places comme c’est déjà le cas à l’IEP de Paris.

Courrier envoyé à SciencesPo Paris :

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L’intervention en vidéo :

Compte-rendu des débats :

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre, l’ascenseur social est en panne. D’après l’OCDE, en France, seuls 38 % des jeunes adultes issus des classes moyennes ou défavorisées suivent des études supérieures. Jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le fossé entre les enfants des milieux aisés et ceux des milieux modestes n’a été aussi grand. Dans la récente étude « Génération quoi ? », 61 % des jeunes interrogés estiment que l’école ne récompense pas le mérite et, pire, ne donne pas leur chance à tous. Pourtant, nous devons relancer l’ascenseur social. L’Institut d’études politiques de Paris nous a montré l’exemple en réservant des places pour des jeunes issus de lycée en ZEP, au travers des conventions d’éducation prioritaire. Après dix ans d’expérience, près de mille étudiants de classes moyennes ont intégré cette prestigieuse école. Mais quel ne fut pas mon étonnement de voir que, parmi les cent lycées partenaires, il n’y avait aucun lycée de l’Aisne, département ô combien défavorisé, aucun lycée de ma circonscription – et pourtant le lycée Jean-de-La-Fontaine, classé en ZEP, compte un grand nombre d’élèves boursiers : ils n’ont pas accès à ce dispositif !

Au-delà de cet aspect, monsieur le ministre, osons généraliser le système à toutes les formations soumises à concours, écoles d’ingénieurs et de commerce, Normale Sup, facultés de médecine… N’écoutons pas les mauvaises langues qui nous diront que de tels dispositifs seraient nuisibles aux résultats : ce qui est possible pour Sciences Po Paris et Bordeaux doit l’être pour les autres écoles. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas réserver 15 % des places de toutes les formations post-bac soumises à concours aux enfants boursiers issus de lycées en ZEP ?

L’instruction et l’espoir sont les meilleures barrières contre l’extrémisme. Jean de La Fontaine nous le rappelait dans L’ours et l’amateur des jardins : « Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ; mieux vaudrait un sage ennemi. »

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Benoît Hamon, ministre. Monsieur le député Krabal, je suis extrêmement sensible à votre question sur l’ascenseur social, tout comme le sont, j’imagine, l’ensemble des parlementaires dans cet hémicycle. On évoque souvent la lutte contre les inégalités ; je me remémore une phrase de Simone Weil, selon laquelle l’égalité à l’école sera réelle non pas quand un fils d’ouvrier deviendra cadre, mais quand un fils de cadre choisira l’enseignement professionnel parce qu’il décide de devenir ouvrier, considérant que cette filière est aussi noble que les filières générale et technologique.

Nous avons la volonté de faire fonctionner l’ascenseur social en permettant notamment aux jeunes boursiers et aux élèves issus des zones les plus défavorisées d’accéder à l’enseignement supérieur. Je voudrais en dire quelques mots. Vous regrettez que, dans la liste des cent lycées référents avec lesquels Sciences Po Paris a un partenariat, ne figure pas de lycée de votre département. S’il appartient aujourd’hui à Sciences Po de fixer cette liste, je veux cependant vous dire que nous sommes en passe d’atteindre l’objectif assigné aux grandes écoles d’accueillir jusqu’à 30 % d’élèves boursiers. Cela montre que le travail de ciblage des élèves boursiers, donc issus de familles modestes, est en train de donner des résultats, permettant une plus grande mixité des publics et des populations qui s’inscrivent dans les cycles jusqu’ici très sélectifs de nos grandes écoles : il y a là incontestablement un progrès.

Je veux en outre souligner le fait que, alors que 50 % de nos bacheliers sont issus des filières technologiques et professionnelles, la loi relative à l’enseignement et à la recherche, qui a fixé des contingents dans les IUT et les BTS pour accueillir des bacheliers issus de ces deux filières, a permis une augmentation significative de la proportion d’élèves s’inscrivant en BTS et suivant ces formations d’enseignement courtes qui sont issus de l’enseignement professionnel. Cela démontre que la poursuite des études que nous avons voulue dans le cadre du bac pro, notamment dans les territoires défavorisés, est rendue davantage possible qu’auparavant : il y a là un progrès qui va dans le sens des préoccupations qui sont les vôtres.